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gabriel attal - Page 4

  • Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?

    « L’extrême droite pourrait diriger, lundi prochain, le gouvernement de la France. Et ça, je m’y opposerai comme je m’oppose à La France insoumise et à ses outrances. » (Xavier Bertrand le 1er juillet 2024 sur TF1).



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    Alors que la campagne de l'élection présidentielle de 2022 avait été bâclée, Emmanuel Macron s'en étant d'ailleurs excusé parce qu'il aurait été trop pris avec l'Ukraine et l'Europe, ce qui était un tantinet méprisant pour les électeurs, il manquait à l'évidence une véritable campagne électorale : en quelques jours, ces élections législatives anticipées ont ainsi rattrapé le retard de six mois de campagne. Les sondages ont dit que les Français auraient été aussi déboussolés par la dissolution que lors du confinement à cause de la crise sanitaire du covid-19. En quelque sorte, avec ces législatives, on solde les années covid, on solde aussi la crise des gilets jaunes qui s'était arrêtée sans conclusion par (si je veux simplifier à outrance) un feu de tristesse. Et de la colère rentrée.

    Plus que les 33,2%, c'est le nombre de voix en valeur absolue qui donne le vertige : 10,6 millions de Français ont glissé le bulletin d'un candidat RN dans l'urne au premier tour, ce qui est inédit (le précédent record à l'élection présidentielle d'avril 2022 : Marine Le Pen avait recueilli 8,1 millions de voix au premier tour et 13,3 millions de voix au second tour). Au premier tour des élections législatives de juin 2022, le RN et Reconquête avaient recueilli 5,2 millions de voix. Cela a doublé en deux ans ! Toutes les couches de la population, les âges, les catégories sociales, les régions votent désormais RN, mais on peut voir cependant des différences encore : plus on est diplômé, moins on vote RN ; plus le salaire est élevé, moins on vote RN ; plus on habite dans les centre-villes, dans les agglomérations, moins on vote RN.

    Jusqu'à la limite du dépôt de candidature pour le second tour, mardi 2 juillet 2024 à 18 heures, l'urgence actuelle des états-majors des partis, depuis les résultats, est le maintien ou le retrait des candidats qualifiés pour le second tour. Avec en résonance le front républicain. Avec les premiers désistements dès le dimanche soir, le RN ne s'attendait pas à autant de désistements, surtout de la part du NFP en faveur d'un candidat macroniste mieux placé pour battre un candidat RN.


    Au contraire de 2002, la stratégie du front républicain contre l'extrême droite ne fonctionnait plus dès 2011. Mais pourquoi cette stratégie semble-t-elle revenir en pleine lumière en 2024 ? Sans doute pour une raison simple : le RN est aux portes du pouvoir, la question est de savoir s'il va avoir une majorité absolue ou pas. Bref, il ne s'agit plus de théorie, il s'agit de savoir si dans quelques jours, Jordan Bardella va s'installer à Matignon, avec son incompétence, son inexpérience, son idéologie puante et surtout, ses troupes qui puent le racisme à plein nez (ça dégouline de partout depuis quelques jours). Bref, il y a péril en la demeure. Mais le péril arrive par les urnes, c'est là la difficulté intellectuelle : les électeurs du RN ne considèrent plus que le RN est un parti extrémiste et pour les plus jeunes, ne savent même pas son origine.
     

     
     


    Un exemple entendu le 1er juillet 2024 à la télévision Bolloré. Débat sur CNews sur la préférence nationale pour un logement social : on vire l'étranger en fin de bail. Laurence Sailliet, députée européenne LR et candidate LR battue (dans la première circonscription de Paris), expliquait (en vain) à Philippe Ballard, réélu député RN de l'Oise dès le premier tour, que ce n'est pas l'étranger qu'il faut virer mais le factieux : un étranger qui respecte tout, paie ses impôts et ne dérange personne devrait avoir les mêmes droits économiques. L'autre n'en démordait pas. Il a dit : on n'est pas brutal, on attend la fin du bail avant de le virer. Puis interview en duplex avec un "philosophe et essayiste" (Tom Benoît), plutôt jeune, accent du midi et de la barbe, qui, comme c'est bizarre !, appuyait Ballard en disant que c'était normal, la préférence nationale... et citait sans rire : "Comme disait Jean-Marie Le Pen je ne sais plus quand, je préfère ma famille à mes cousins, les cousins à mes voisins, mes voisins à mes..." etc., dit comme si Le Pen le vieux était une sorte de grand penseur intouchable. Sur le bandeau rouge, le titre du débat : "La préférence nationale qui fait peur à la gauche". L'animateur agaçant et partial (car ne ponctuant qu'en faveur de Ballard) était Morandini (le trash animateur). Et il rajoute, à force de répéter le titre, "qui fait peur à la gauche et à certains LR" du coup, alors qu'il n'y avait qu'une élue LR pour s'y opposer. Laurence Sailliet a été très bonne pour dire que c'est complètement stupide et que cela ne s'attaque pas aux vrais problème. De plus, ce n'est pas une question de "peur". En outre, Ballard lui a dit : comme ça, vos enfants seront prioritaires sur des étrangers. Voilà ce qu'on peut entendre à longueurs de médias aujourd'hui. Un peu plus tard, sur la même chaîne, j'ai entendu Manon Aubry (FI) parler de bébés morts décapités comme un argument politique. Saleté de débat public, cela fait longtemps qu'il est vicié.

    Contrairement à ce qui est dit, la gauche de Jean-Luc Mélenchon n'est pas plus claire que la majorité présidentielle dans les consignes de désistement au second tour. Ainsi, il était dit que le candidat FI en troisième position se désisterait si le RN était en première position. Mais s'il était en deuxième position, comme dans la circonscription de Gérald Darmanin (dixième circonscription du Nord), il y a risque quand même (Ensemble 36,0% et RN 34,3%). À l'origine, FI voulait maintenir sa candidate qui a fait 24,8%, ce qui ne contrevenait pas à la consigne initiale mais risquait quand même de faire élire un député RN, et puis, finalement, la candidate FI s'est retirée.

    En raison de la forte participation, le premier tour a entraîné la possibilité de 306 triangulaires et de 5 quadrangulaires au second tour. Dans une telle configuration, le candidat arrivé en tête, même s'il n'obtient pas 50% des voix, gagne au second tour. Le RN a alors globalement un avantage puisqu'au niveau national, il fait nettement plus de voix que les autres partis. Sauf si les triangulaires se transforment en des duels grâce au retrait du candidat le moins bien placé.


    Selon un décompte (provisoire) du journal "Le Monde" à 23 heures le lundi 1er juillet 2024, 185 candidats arrivés en troisième position (dont 121 du NFP et 60 de la majorité présidentielle) se sont retirés pour le second tour malgré leur qualification, ce qui ferait qu'il resterait 131 triangulaires et 2 quadrangulaires (il reste presque un jour pour une éventuelle évolution). Assez mécaniquement, même si ce n'est pas systématiquement, à fur et à mesure que les triangulaires deviennent des duels, la perspective d'une majorité absolue de député RN s'éloigne.

    Néanmoins, le risque reste réel, comme l'a répété le Premier Ministre Gabriel Attal invité du journal de 20 heures le lundi 1er juillet 2024 sur TF1 : « Le risque, c’est que le Rassemblement national dispose d’une majorité absolue. Je le dis très sincèrement, du plus profond de mes tripes, ce serait catastrophique pour les Français. ».

    Et un des arguments donné par le NFP, en particulier Marine Tondelier, porte-parole d'EELV, c'est que le choix, pour un électeur modéré, entre un candidat RN et un candidat FI ne devrait pas se faire avec hésitation car il y a une réelle possibilité que le RN soit au pouvoir tandis qu'il serait impossible que le NFP obtienne une majorité absolue de sièges. Donc en votant pour le NFP même si on est opposé à son programme, on ne risquerait rien. C'est un argument pourtant assez stupide donné par des gens de gauche qui croient s'adresser à des électeurs modérés mais qui s'adressent en fait à des gens qui sont déjà convaincus par eux. Cet argument a certes plus de poids après la connaissance des résultats du premier tour qu'avant (il était proposé depuis une ou deux semaines). Mais surtout, c'est une curieuse façon de pratiquer la démocratie : pour assumer le vote, je dois nécessairement me dire que je ne regretterais pas mon vote si celui à qui il est destiné était élu voire avait le pouvoir. Je rappelle que si le vote est libre et secret, il est également sincère.


    On peut voter pour un candidat inconnu au bénéfice du doute. Mais quand on le connaît, on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. Je prends un exemple : je soutiens totalement la décision du porte-parole de Renaissance Loïc Signor, candidat Ensemble de la troisième circonscription du Val-de-Marne, arrivé en troisième position avec 23,8% derrière Louis Boyard (FI) à 42,2% et le candidat soutenu par le RN à 27,3%. D'une part, la configuration donne peu de risque de faire élire le candidat RN ; d'autre part, obliger les électeurs qui ont voté pour vous à choisir entre le RN et Louis Boyard relève du sacrifice démocratique !

    C'est surtout que les consignes de vote et les arguments de vote agacent particulièrement les électeurs qui s'en trouvent infantilisés alors qu'ils sont capables de réfléchir par eux-mêmes et en conscience sur le meilleur choix pour la France. Le risque est de dire aux électeurs modérés qu'il n'y a plus de choix qu'entre deux extrémismes, l'un de gauche et l'autre de droite.

    C'est d'ailleurs le filon argumentaire de Jordan Bardella pour riposter à ces désistements. Premier argument : c'est dire que c'est de la cuisine politicienne pour sauver ses places et ce n'est pas pour l'intérêt de la France (je pense que l'objectif d'empêcher le RN de gouverner me paraît au contraire de l'intérêt supérieur de la France). Second argument : voter RN serait la garantie de ne pas avoir les insoumis au gouvernement (là encore, c'est stupide, l'hypothèse d'un gouvernement insoumis dans quelques jours est exclue).

    Ainsi, Jordan Bardella a demandé à Jean-Luc Mélenchon de débattre avec lui. Un moyen de bien insister que Jean-Luc Mélenchon à Matignon était la seule autre possibilité que lui-même à Matignon. Et le gourou des insoumis ne l'a pas démenti puisqu'il a confirmé que les insoumis étaient les maîtres du NFP mais qu'il faudrait demander à Manuel Bompard ou à Mathilde Panot pour débattre. Marine Tondelier, elle, s'est portée candidate en insistant pour dire que c'était son tour, le tour d'une femme et le tour d'une écologiste.

    Le NFP est-il vraiment Mélenchon ? Cela arrangerait Jordan Bardella et malheureusement, c'est pourtant la réalité. Il suffit de regarder la nature des candidats de gauche élus dès le premier tour : en général, des FI canal Mélenchon parce que ce parti s'est réservé les meilleures circonscriptions (à Paris, Seine-Saint-Denis et Petite Couronne, Bouches-du-Rhône, etc.). Pas étonnant que les insoumis soient le groupe prédominant au sein du NFP (même Olivier Faure a été réélu grâce à FI).

    Ses déclarations le soir du 30 juin 2024 n'ont d'ailleurs pas de quoi rassurer les électeurs modérés : il a parlé place de la République aux côtés de Manuel Bompard, Mathilde Panot, Olivier Besancenot et surtout Rima Hassan habillée d'une manière telle qu'il a bien fait comprendre que son combat pour importer le conflit israélo-palestinien en France est toujours d'actualité.

    Cela dit, ce qui m'agace le plus dans les médias depuis le début de cette campagne, c'est de considérer pour acquis que la France est en ruine, dans un triste état alors que c'est absolument faux, et ce qui m'interroge, c'est que les candidats Ensemble eux-mêmes laissent ce genre de propos se dire sans y apporter la contradiction. C'est aussi l'interrogation du chroniqueur Éric Le Boucher dans "Les Échos" le 27 juin 2024 : « On en arrive à ces législatives folles où l'on a écarté les vrais sujets de l'Ukraine, du climat, des technologies, de la croissance, de la Chine, pour se focaliser sur les faux que sont le pouvoir d'achat, la retraite ou l'insécurité. ». En particulier sur les retraites : « C'est le mensonge national absolu : faire croire qu'on peut distribuer plus sans travailler plus. ». Le journaliste s'en est pris aux médias : « Le défaitisme général ne l'aurait pas emporté si les médias traditionnels ne l'avaient pas relayé. En mal d'audience, refusant de prendre du recul et de donner le contexte, ayant inventé le "décryptage" pour mieux noyer le poisson et s'étant laissé avaler par l'idéologie populiste, ils sont devenus les premiers artisans du mensonge. » (j'y reviendrai peut-être).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240701-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-14-la-revanche-255543

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/01/article-sr-20240701-legislatives.html






     

  • Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour

    « Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour. (…) La participation élevée au premier tour (…) témoigne de l'importance de ce vote pour tous nos compatriotes et de la volonté de clarifier la situation politique. Leur choix démocratique nous oblige. » (Emmanuel Macron, le 30 juin 2024 vers 20 heures).



     

     
     


    Inutile de tourner autour du pot : jamais ce premier tour d'élections législatives n'a été accompagné d'autant d'inquiétude pour l'avenir du pays. Et le sursaut de participation que nous avons constaté ce dimanche 30 juin 2024 a montré que les Français dans leur ensemble ont considéré qu'ils vivaient un de ces instants cruciaux de leur histoire politique. 66,7% de participation. Par rapport à juin 2022, c'est 19,2 points de plus.

    Et la question fondamentale reste la suivante : à qui cette sur-participation a-t-elle profité ? La réponse pourrait paraître décevante et c'est bien là le problème français du moment : ce sursaut de population a profité aux trois blocs, au RN bien sûr qui a su agréger beaucoup de votes d'adhésion et d'espoir populaire, à la nouvelle farce populaire sur fond de front anti-RN mais aussi de nouvel espoir à gauche comme son nom voudrait le faire croire, et enfin, à un sursaut de l'électorat macroniste et plus généralement du bloc central.

    Le résultat est décevant car tous ces blocs ont des raisons d'être déçus : le RN parce que sa mobilisation, si elle est réelle, n'est pas suffisante pour espérer à coup sûr d'être le grand gagnant du second tour ; le NFP qui a démontré qu'à gauche, ils ne seraient jamais majoritaires ; et puis quand même dans la majorité présidentielle dont la Bérézina annoncée commence à esquisser ses contours de réalité électorale.

    Les résultats en suffrages exprimés correspondent grosso modo aux estimations des sondages : selon des résultats officiels non définitifs, le RN et alliés seraient à 33,1%, NFP à 28,0%, Ensemble à 20,0% et LR et DIV à 10,2%. Lorsque j'écris "LR", je n'inclus pas LR canal Éric Ciotti même si ce dernier peut espérer faire élire plus de députés que LR canal historique qui n'a pas pu présenter ses candidats avec l'étiquette spécifiquement LR (en général, ils sont répertoriés par DVD, divers droite).

    On pourrait dire, bien sûr, que le RN serait un peu moins élevé que les dernières estimations proches de 36%, ou encore que si l'on prend la pompe aspirante de l'élan, il faudrait additionner des élections européennes du 9 juin 2024, pour comparaison, le score de liste de Jordan Bardella, celui de Marion Maréchal, et une partie de celui de François-Xavier Bellamy (l'addition donnerait 38-40%, beaucoup plus que les 33,1%). Mais il reste que pour un parti, en général, un tel score est très important et très imposant et la perspective tant d'une majorité absolue de sièges détenus par le RN que d'un gouvernement RN dirigé par Jordan Bardella est très loin d'être exclue. En siège, le RN a déjà gagné, dès ce premier tour, au moins 37 sièges (dont Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Philippe Mallard, etc.). Dans de nombreuses circonscriptions, le candidat RN a flirté parfois les 48-49% et serait quasiment sûr d'être réélu au second tour. Les candidats ciottistes ont fait de belles performances, Éric Ciotti semblerait en bonne position pour sa réélection au second tour, ainsi que le président des jeunes LR qui l'a suivi dans cette folle trahison du ralliement pur et simple au RN. En revanche, l'effet de siphonnage du RN a fait que les candidats de l'ancien candidat Éric Zemmour ont été laminés au point de ne recueillir qu'environ 1%.

    Quant à LR canal historique, le départ d'Éric Ciotti a bénéficié aux restants qui ont fait nettement mieux que la liste LR aux élections européennes.

    On pourrait s'amuser à additionner le RN et le NFP, comme l'a fait imprudemment Yves Thréard sur LCP, pour en conclure que ce premier tour était un référendum anti-Macron et que 62% des Français avaient prononcé un non cinglant au Président de la République. Mais doit-on nécessairement additionner des torchons et des serviettes ?

    Car d'autres, en particulier la gauche désunie, voudraient faire maintenant du second tour un référendum pour ou contre Jordan Bardella, lui assurant par là même une position de favori qui l'aiderait beaucoup dans cette progressive acceptation d'un désir autoréalisateur.

    À mon sens, il faudrait plutôt additionner les scores d'Ensemble pour la République et de LR, ce qui fait autour de 30%, soit supérieur au NFP mais inférieur au RN. Cela a un sens même si LR ne voudrait pas trop se mélanger avec les macronistes, car la réalité sur le terrain, c'est que LR et Ensemble ont très peu mis des candidatures concurrentes les unes contre les autres et quand c'est le cas, c'étaient des exceptions comme dans la cinquième circonscription de l'Essonne où le danger d'une élimination des deux au second tour était clairement absent. Ainsi, dans la cinquième circonscription des Yvelines, le Président du Sénat Gérard Larcher a clairement apporté son soutien, dès le premier tour, à Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, un soutien gagnant puisqu'elle a recueilli 42,8% alors qu'elle avait face à elle un candidat NFP qui a fait 27,2% et l'ancien député LR Jacques Myard soutenu par le RN et qui a fait 22,9%.

    En raisonnant ainsi, en considérant le bloc central comme l'addition d'Ensemble et de LR, on se retrouve avec trois gros blocs à peu près d'égales audiences électorales, s'accaparant l'ensemble de l'éventail électoral (entre 90 et 95% des voix) et dont les différences, selon les circonscriptions, avantageront l'un ou un autre. L'exemple de la quatrième circonscription de l'Essonne est très frappant à cet égard : la candidate Ensemble a obtenu 33,9% des voix, le candidat RN 31,0% et le candidat NFP 30,8% : aucune réserve de voix pour aucun des candidats et chaque candidat "se vaut" autour de 30-33%.

    Cette tripolisation du paysage politique n'est pas nouvelle et s'est déjà déclaré à l'élection présidentielle de 2022 où les trois candidats Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon représentaient la grande part de l'électorat avec chacun entre 20 et 30% des voix. Dans certaines circonscriptions, on voit des résultats très tripolaires parfois presque d'égale amplitude, autour de 30% chacun. Et comme je l'ai écrit pour le bloc central, ce dernier est supérieur en voix au NFP et avec l'hypothèse d'un report de voix, cela signifie que le nombre de sièges pour le NFP pourrait être équivalent à celui de sièges pour le bloc central au second tour.

    Je reviens sur la mobilisation : les Français se sont mobilisés pour aller voter, mais pour ne voter que pour les trois pôles présentés ainsi, au détriment de tous les autres. Selon la sociologie des circonscriptions, ils ont donc privilégié parfois l'un ou l'autre des pôles.

    Dans les résultats, il faut évoquer les candidatures pour le second tour. Un candidat peut se maintenir si et seulement s'il obtient au moins 12,5% des inscrits, soit, selon la participation, environ 18% des suffrages exprimés pour une participation à 70%. Quant à son élection dès le premier tour, il faut que le candidat obtienne bien sûr au moins 50% des suffrages exprimés, mais également 25% des inscrits, ce qui est forcément obtenu avec une participation supérieure à 50%.

    Ainsi, il y aurait environ 300 circonscriptions où trois candidats pourraient se maintenir au second tour, ce qu'on appelle des triangulaires. Bien entendu, dans une telle configuration, le candidat ayant obtenu le score le plus élevé au second tour est élu, même s'il obtient moins de 50%. Avec un RN en tête avec 34%, globalement, le RN est favorisé par les triangulaires et l'idée d'un front anti-RN, c'est d'abord de retirer des candidats qui ne pourraient pas gagner et qui empêcheraient l'autre candidat non-RN de battre le troisième candidat RN, en évitant la déperdition des voix. Cela dans un raisonnement logique qui est parfois violé par le comportement électoral qui peut surprendre.

    Les réactions ? Du côté RN, l'affaire n'est pas encore acquise et l'effort de mobilisation va se faire pendant toute cette semaine. Au moins, il n'y a pas de discussion, tous les candidats qui peuvent se maintenir au second tour se maintiendront, ce qui en fait beaucoup, même certains qui n'ont quasiment pas fait campagne, ni participé à aucune réunion publique, ni même imprimé d'affiche pour les panneaux officiels.

    Emmanuel Macron a surpris tout le monde en publiant un communiqué très vite après la fermeture des derniers bureaux de vote. Quand ce dernier a donné son intention de publier un communiqué, l'éditorialiste Ruth Elkrief a eu peur d'une nouvelle décision présidentielle comme la dissolution ! Le contenu de son message était d'en appeler sans ambiguïté au rassemblement des démocrates et des républicains contre le RN, mais sans préciser par quel moyen. Deux heures plus tard, le Premier Ministre Gabriel Attal a été plus clair en refusant activement toute candidature RN.

    À gauche, la situation est moins claire. Certes, le PS, le PCF et EELV ont toujours été clairs sur le désistement du candidat le moins bien placé pour battre le candidat RN dans une triangulaire, mais FI est beaucoup plus vague même si le barrage au RN est de rigueur. Ce qui est beaucoup moins clair, c'est ce meeting place de la République à Paris où se sont exprimés dans la soirée d'abord Marine Tondelier, la porte-parole d'EELV, puis Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, réélu dès le premier tour, puis Jean-Luc Mélenchon qui était entouré de Manuel Bompard, réélu dès le premier tour, Mathilde Panot et... Rima Hassan et même Olivier Besancenot, prouvant définitivement que le NFP était effectivement piloté par les insoumis de Jean-Luc Mélenchon (ce qui était bien mal venu pour éviter d'inquiéter un électorat modéré encouragé à voter pour le NFP contre le RN).

    Si le désistement automatique paraît être une mécanique bien huilée à gauche, elle est beaucoup moins évidente pour le bloc central. Pourquoi ? Déjà parce que LR n'a donné aucune consigne ni de désistement, ni de vote et laisse les locaux évaluer les situations, sachant qu'une part de son électorat préfère le RN au NFP. Pour la majorité présidentielle, il n'est plus question du ni-ni mais bien d'éviter une majorité absolue de députés RN. Pour cela, cependant, il paraît opportun de ne pas fixer une règle trop générale, à savoir dans les triangulaires, faire désister le candidat Ensemble dans le cas où il est le moins bien placé pour battre le RN.

    D'une part, en effet, il y a le cas où le candidat RN au second tour a peu de chance d'être élu car loin de la première place et dans ce cas-là, il est plus pertinent de laisser les électeurs s'exprimer selon leurs tendances politiques. D'autre part, il existe des cas où l'écart entre le candidat NFP et le candidat Ensemble est très faible en voix, et où, même moins bien placé, le candidat Ensemble aurait une réserve de voix avec un candidat LR qui le mettrait en situation de mieux battre le candidat RN que le candidat NFP. Bref, toutes ces situations s'apprécient précisément et de manière pragmatique pour éviter qu'il y ait aussi le seul choix du RN ou d'un front anti-RN qui, s'il permettrait d'être efficace aujourd'hui, serait probablement désastreux demain.

    Je vais prendre quelques exemples. Dans la septième circonscription de l'Essonne, Robin Reda, ancien député LR de 2017 élu député macroniste en 2022, n'est arrivé qu'en deuxième position avec 32,3% derrière la candidate NFP 38,1%, et la candidate RN est en troisième position avec 25,5%. A priori, le maintien des deux candidats Ensemble et NFP n'entraînerait pas l'élection de la candidate RN et leur maintien permettrait à leur électorat respectif de ne pas se déjuger, même si la réélection de Robin Reda paraît compromise. Idem dans la première circonscription de l'Essonne (l'ancienne de Manuel Valls) où la députée FI sortante Farida Amrani a obtenu 43,1% devant Stéphane Beaudet, le maire ex-LR d'Évry-Courcouronnes 31,7% et le candidat RN n'a recueilli que 21,7%. Idem dans deuxième circonscription de Meurthe-et-Moselle où le maire PS de Vandœuvre-lès-Nancy Stéphane Hablot a obtenu 39,9% devant le député Ensemble sortant Emmanuel Lacresse 30,7% et la candidate RN 22,4%. Il en est encore de même dans la première circonscription de l'Isère où l'ancien ministre Olivier Véran est en ballottage très défavorable avec 32,6% derrière le candidat NFP 40,2% et devant le candidat RN 18,3%. Dans la cinquième circonscription de Loire-Atlantique, il n'y a pas de raison non plus pour que la ministre Sarah El Haïry, arrivée deuxième avec 36,1% s'efface derrière le candidat NFP 37,7% alors que le candidat RN n'a que 24,7%.

    Dans la septième circonscription des Yvelines (l'ancienne de Michel Rocard), la députée sortante Ensemble Nadia Hai n'est qu'en deuxième place avec 29,3% derrière l'ancien ministre Aurélien Rousseau (devenu candidat NFP) 34,7% et devant la candidate RN Babette de Rozières 25,8%. Elle pourrait donc s'effacer derrière le candidat NFP, mais elle pourrait bénéficier aussi des réserves de voix avec un candidat LR qui a obtenu 7,6%. En revanche, dans la première circonscription de la Somme, la candidate Ensemble avec 22,7% s'est désisté en faveur du député FI sortant en ballottage défavorable François Ruffin avec 33,9% derrière la candidate RN 40,7%. Il faudra donc bien observer l'efficacité des reports de voix d'Ensemble vers FI pour faire barrage au RN.

    Il est parfois politiquement heureux qu'un candidat n'obtienne pas le droit de se maintenir au second tour, car cela lui évite de devoir se désister en faveur d'un candidat qui lui est politiquement très éloigné pour faire barrage au RN. Ainsi, dans la troisième circonscription du Lot-et-Garonne, la députée RN sortante Annick Cousin est arrivée en tête avec 41,1% devant le candidat LR 25,0% et le troisième candidat FI n'a pas obtenu la qualification au second tour avec seulement 18,4% (le quatrième candidat est un ancien ministre condamné, voir ci-dessous dans les battus). C'est le cas aussi de la première circonscription de l'Aude où Philippe Poutou est qualifié de justesse pour le second tour avec 18,7% (12,57% des inscrits !) derrière le député RN sortant Christophe Barthès qui a raté de peu sa réélection avec 49,3% tandis que le candidat Ensemble, n'ayant obtenu que 16,9% (11,3% des inscrits), n'aura pas à devoir se désister pour le candidat du NPA.

    La candidate NFP qui a obtenu 24,1% dans la septième circonscription de Loire-Atlantique, a annoncé son désistement en faveur de la députée sortante Ensemble Sandrine Josso 28,5% en position très incertaine face au candidat soutenu par le RN, ancien député UMP (entre 1993 et 2012) Michel Hunault, 28,2% (il avait obtenu 0,9% dans une autre circonscription lors d'une élection législative partielle en mars 2018 !). Dans la quatrième circonscription de la Vienne, le député MoDem sortant Nicolas Turquois se retrouverait en ballottage défavorable avec 32,1% face à la candidate RN 41,0% même si le candidat NFP avec 21,1% se désistait. En revanche, cela va être difficile au député LR sortant Francis Dubois, arrivé en troisième position dans la première circonscription de la Corrèze, qui peut se maintenir au second tour avec 28,6%, de se désister pour l'ancien Président de la République François Hollande qui a été bombardé à la première place avec 37,6% devant la candidate RN 30,9%.

    Autre circonscription symbole, la première des Alpes-Maritimes où le député sortant Éric Ciotti, avec le soutien de RN, a obtenu 41,0% et aurait en principe deux concurrents, le candidat NFP 26,6% et le candidat Ensemble 22,8% qui pourrait se désister pour tenter de battre Éric Ciotti. LR avait investi un autre candidat LR contre l'encore président de LR mais n'a obtenu que 5,8%.

    Dans la huitième circonscription de l'Essonne, la situation reste très incertaine : Nicolas Dupont-Aignan, soutenu par le RN, n'est qu'en deuxième position avec 33,0% derrière le candidat NFP 34,4% et devant le président du conseil départemental de l'Essonne François Durovray ex-LR 27,4% qui a bénéficié de l'absence de candidat Ensemble. Dans le même département, dans la sixième circonscription de l'Essonne (l'ancienne d'Amélie de Montchalin), c'est le député sortant PS Jérôme Guedj qui a bénéficié de l'absence de candidat Ensemble, ce qui lui a permis d'arriver en tête avec 34,1%, soutenu par le NFP mais il a refusé cette étiquette, devant la candidate RN 24,0% et la candidate dissidente insoumise 20,2% qui devrait se désister (LR avait investi une candidate qui n'a obtenu que 16,7% soit 11,4% des inscrits).

    Parmi les candidats battus dès le premier tour, on peut citer notamment Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, l'ancien ministre Clément Beaune, Jérôme Cahuzac, Arnaud Dassier, Rachel-Flore Pardo, Pierre-Louis Giscard d'Estaing, Yann Wehrling, Pierre-Yves Bournazel, Damien Abad, etc.

    Parmi les candidats élus dès le premier tour, il y a entre autres Philippe Juvin, bénéficiant d'une absence de concurrent Ensemble, Clémentine Autain, Marine Le Pen, Sébastien Chenu, Manuel Bompard, Bastien Lachaud, Olivier Faure, Philippe Ballard, Pouria Amirshahi, Danièle Obono, Sandrine Rousseau, Sophia Chikirou, Eva Sas, Emmanuel Grégoire, Aymeric Caron, etc. En tout, 76 candidats ont été élus dès le premier tour : 39 RN, 32 NFP, 2 Ensemble et 3 LR et DVD.

    En ballottage favorable : le Premier Ministre Gabriel Attal, le ministre Stéphane Séjourné, la ministre Marie Lebec, le ministre Jean-Noël Barrot, l'ancien ministre Stéphane Travert, Éric Ciotti, Yaël Braun-Pivet, François Hollande, Jérôme Guedj, Laurent Wauquiez, Alexis Corbière, Sylvain Maillard, Olivia Grégoire, David Amiel, Benjamin Haddad, Danielle Simonnet, Ugo Bernalicis, Rachel Kéké, etc.

    En ballottage défavorable ou difficile : Charles de Courson, la ministre Marie Guévenoux, Sarah El Haïry, Robin Reda, Stéphane Beaudet, François Ruffin, François Durovray, Aude Lagarde, Raquel Garrido, Frédéric Valletoux, Aude Luquet, Gilles Le Gendre, Philippe Poutou, Maud Gatel, Sébastien Huyghe, Victor Habert-Dassault, Éric Woerth, Vincent Jeanbrun, etc.

    En ballottage très incertain : Gérald Darmanin, Élisabeth Borne, Stanislas Guérini, Nicolas Dupont-Aignan, Jérôme Sainte-Marie, etc.

    Ce qui est sûr, c'est qu'en cas d'efficacité du barrage contre le RN, il n'existera pas au sein de l'hémicycle de majorité homogène. Imaginer un gouvernement de François Ruffin à Jean-François Copé est une tournure d'esprit assez compliqué, et certainement plus compliqué que la situation de juin 2022 à juin 2024 : dans tous les cas, la dissolution n'aura pas permis d'améliorer la situation parlementaire et ne fait qu'accroître le bazar dans le meilleur des cas.

    La mobilisation des électeurs RN restera très élevée au second tour parce qu'ils y voient une occasion historique de conquérir le pouvoir. Mais la mobilisation des autres électorats (NFP et Ensemble) est en revanche moins évidente pour ce second tour dans la mesure où les désistements vont parfois décourager les électeurs des candidats éclipsés de se rendre aux urnes. Et cela sans compter que c'est le première week-end des vacances scolaires, ce qui peut expliquer le grand nombre de procurations.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240630-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-13-fortes-255523

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/30/article-sr-20240630-legislatives.html




     

  • Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !

    « Je trouve que c'est assez frappant d'entendre "on n'a jamais essayé". On a essayé. (…) Regardez Perpignan. Regardez la première décision de Louis Aliot quand il a été nommé maire, c'est d'augmenter de 17%. (…) "Femme actuelle" (…) : classement des cinquante villes où il fait bon ou mauvais de vivre en France quand on est une femme. Quelle est la cinquantième ville sur cinquante ? Perpignan. Plus de financement d'associations féministes, l'insécurité qui explose. Mantes-la-ville, c'était pareil, 10% d'augmentation pour le maire. Fréjus. David Rachline : une enquête ouverte pour corruption, pour des marchés publics truqués (…). Je veux juste dire : on a essayé, il y a des villes Fréjus, Perpignan, regardez le bilan et lisez les programmes, projetez-vous dans l'après. Ce n'est pas le ni-ni, le non-non qui compte, c'est ce que les politiques vont faire pour vous ou contre vous ! » (Olivia Grégoire, le 27 juin 2024 sur BFMTV).




     

     
     


    Ce qu'a raconté la ministre Olivia Grégoire ce jeudi matin avait du sens : tenter de se projeter dans l'avenir avec les programmes des uns et des autres. Mais elle donnait des arguments de raison là où le rejet du Président Emmanuel Macron est de l'ordre de l'émotion. Même les plus aptes, parmi les LR modérés, à soutenir la politique du gouvernement, ils rejettent la méthode beaucoup trop autoritaire du Président de la République.

    Pour ce dernier jour de campagne des élections législatives, la situation semble bloquée dans les sondages sur "presque" une majorité absolue pour le RN. C'est le "presque" qui fait tout et qui ne fait rien. Y aura-t-il une autre majorité, alternative, une impossible majorité ?

    Malgré les sondages, jamais la situation n'a été aussi inquiétante pour les Français, qui ressentent à plus de 80% dans les sondages un réel malaise depuis la dissolution, un malaise du même ordre que lors du premier confinement contre le covid-19. Où nous emmène-t-elle donc, cette dissolution ? Vers un cauchemar où il faudrait choisir en gros entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Ce cauchemar que j'avais craint faire en 2017 et en 2022.

    Ce qui est clair, et les instituts de sondage l'ont repéré aussi, c'est qu'il y aura une forte participation le 30 juin 2024 : au moins les deux tiers des inscrits (au lieu de moins que la moitié il y a deux ans). Cela rejoint la participation des dernières élections législatives non couplées avec une élection présidentielle, à savoir 1997. D'autres petits signes le confirment. Ainsi, 410 000 Français de l'étranger ont déjà voté en deux jours depuis mercredi, au lieu des 250 000 au total aux dernières élections. Le site Internet a même été saturé par la trop forte demande. Les procurations, qui se font plus facilement maintenant, ont explosé, cinq fois plus qu'en juin 2022, avec au soir du 26 juin 2024, « 2 124 918 millions » de procurations délivrées (retirez le mot "millions" et vous corrigerez l'amusante erreur de LCI).

    À qui la participation va-t-elle profiter ? A priori, à tous les candidats, à tous les camps. Toutes les catégories sociales envisagent de participer plus, les jeunes, les moins jeunes, les ouvriers, les cadres supérieurs, les retraités, etc. C'est clair que ces élections éclair sont considérées comme cruciales. Avec toujours cette petite rancœur contre celui qui les a imposées. Elles sont l'occasion de retour de vieilles connaissances comme Jean Myard (gaulliste outrageusement soutenu par le RN), Dominique Voynet, François Hollande, etc. Certains autres se démasquent comme Jérôme Sainte-Marie qui est candidat RN après avoir vaguement fait semblant d'être un politologue sondagier sur les plateaux de télévision pendant des années.

    Le dernier débat qui a fait intervenir Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure le jeudi 27 juin 2024 sur France 2 (qu'on peut revoir à la fin de cet article) n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux et ne fera probablement pas changer les lignes. Après Jean-Marc Ayrault la première semaine, Martine Aubry, maire de Lille, depuis sa mairie, s'est exprimée ce 27 juin 2024 pour soutenir les candidats de la nouvelle farce populaire. Cependant, ces socialistes dont je ne doute pas de la sincérité n'ont pas compris qu'en s'alliant avec France insoumise, ils se sont interdit le vaste front républicain qu'ils réclamaient face au RN.

    Je m'arrêterai à ces deux points-là : France insoumise considérée comme l'extrême gauche et le ressentiment contre Emmanuel Macron. Au-delà du fait que FI a donné son investiture entre autres à Philippe Poutou, qui est du NPA, le comportement des insoumis a de quoi s'inquiéter.

     

     
     


    Au cours d'une réunion publique qui avait invité successivement tous les candidats de ma circonscription (cinq sont venus sur les huit), j'étais intéressé par la réponse des deux questions de la salle en rapport avec ces deux sujets, du député sortant Paul Midy, candidat à sa succession.

    La première question était : pourquoi, vous, la majorité présidentielle, considérez que les insoumis sont d'extrême gauche alors que le Conseil d'État ne les considèrent pas comme tels ? Paul Midy a répondu ainsi : le Conseil d'État donne une réponse juridique et pas politique mais lui-même considère en effet que les insoumis sont des extrémistes et des populistes : « Je les qualifie de force extrémiste populiste ». Pour trois raisons.

    La première raison : les dépassements fréquents de nombreuses lignes rouges. Quelques exemples : quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « camper » pour Yaël Braun-Pivet dont le nom est d'origine juive, l'allusion était très claire et volontaire. Idem pour Mathilde Panot qui a parlé de « rescapée » pour la Première Ministre Élisabeth Borne qui a eu de la famille rescapée des camps, c'est pareil, c'était dit intentionnellement, ce n'était pas une maladresse mais dit en conscience. Le soutien à Sainte-Soline avant, pendant et après les manifestations très violentes étaient des soutiens clairs des actes de guerre et des appels à la violence.

    La deuxième raison : Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur la remise en cause des institutions par la violence. Notamment dans l'hémicycle. Paul Midy a eu cette formule : « On bosse tous les jours en open space ! » (dans l'hémicycle). Les insoumis sont des gens intelligents, tout cela est conscientisé, voulu. Cette violence n'est pas une manière d'exercer sereinement la démocratie. France insoumise a aussi investi un candidat fiché S. Ce n'est pas une erreur des services de renseignement. Le candidat a été fiché S parce qu'il préside un groupe, Jeune garde, qui serait antifasciste. Mais Paul Midy, qui fut directeur général de LREM, a connu des personnes de son équipe, appartenant aux Jeunes avec Macron, qui ont été tabassés par ce groupe très violent Jeune garde. FI choisit la méthode de la violence.


    La troisième et dernière raison : le programme du NFP est ouvertement populiste. Il n'est pas fait pour être le meilleur programme pour la France, non. Il est simplement fait d'une liste de promesses, juste pour faire plaisir aux électeurs, sans considération de l'intérêt général.

    Pour ma part, je reste encore sidéré que les autres partis de gauche (PS, PCF, EELV) aient accepté, en deux jours, de se lier ainsi tant électoralement que programmatiquement avec un tel parti extrémiste. Ce sera sans doute une grande énigme politique (dans ces élections, il y en a d'autres qui seront aussi analysées encore dans quelques décennies dans les livres de sciences politiques).
     

     
     


    L'autre question très pertinente posée à Paul Midy, elle l'a été par un ancien électeur d'Emmanuel Macron de 2017 qui semble être déçu (je ne suis pas sûr de son vote actuel) : selon vous, qu'est-ce qui a cloché avec Emmanuel Macron depuis sept ans ? Paul Midy a répondu deux choses : d'abord, ils n'ont pas été crédibles sur la transition écologique, ce qu'il a expliqué par une mauvaise communication (mais c'est peut-être plus que cela), les gens ont eu peur, en ont marre et ils n'ont pas su faire embarquer dans ce grand enjeu la plupart des gens ; ensuite, il pense qu'ils ont raté le sujet de l'immigration. Ils avaient une politique équilibrée et raisonnée sur l'immigration, applicable dans le cadre des valeurs républicaines, et ils n'ont pas été compris ou ils n'ont pas convaincu.

    Sa circonscription a beaucoup bougé politiquement, a souvent alterné, dans le passé, entre un député UMP et un député PS, et en 2022, Paul Midy a conquis la circonscription face au député sortant avec 18 voix seulement d'écart (sur 68 469 inscrits !). Comme il s'est pas mal démené pour l'innovation, la recherche et le financement des jeunes entreprises (jusqu'à créer 50 000 emplois), partisan du plein emploi qui changera fondamentalement les rapports entre les employeurs et les employés, et apportera des ressources supplémentaires pour l'école, la santé, l'armée, etc., il pourrait croire que les électeurs lui en seraient reconnaissants. Toutefois, les élections législatives suivent souvent des lois politiques particulièrement déchirantes pour les hommes et les femmes en quête de réélection, en particulier lui qui assume totalement son soutien à Emmanuel Macron dont la photographie est sur ses documents de campagne (au contraire d'autres collègues), aux côtés de Gabriel Attal et de son prédécesseur Édouard Philippe.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Paul Midy.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240627-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-12-un-isoloir-ce-255464

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/27/article-sr-20240627-legislatives.html




     

  • Paul Midy explique pourquoi les insoumis sont une force extrémiste et populiste

    « Je trouve que c'est assez frappant d'entendre "on n'a jamais essayé". On a essayé. (…) Regardez Perpignan. Regardez la première décision de Louis Aliot quand il a été nommé maire, c'est d'augmenter de 17%. (…) "Femme actuelle" (…) : classement des cinquante villes où il fait bon ou mauvais de vivre en France quand on est une femme. Quelle est la cinquantième ville sur cinquante ? Perpignan. Plus de financement d'associations féministes, l'insécurité qui explose. Mantes-la-ville, c'était pareil, 10% d'augmentation pour le maire. Fréjus. David Rachline : une enquête ouverte pour corruption, pour des marchés publics truqués (…). Je veux juste dire : on a essayé, il y a des villes Fréjus, Perpignan, regardez le bilan et lisez les programmes, projetez-vous dans l'après. Ce n'est pas le ni-ni, le non-non qui compte, c'est ce que les politiques vont faire pour vous ou contre vous ! » (Olivia Grégoire, le 27 juin 2024 sur BFMTV).




     

     
     


    Ce qu'a raconté la ministre Olivia Grégoire ce jeudi matin avait du sens : tenter de se projeter dans l'avenir avec les programmes des uns et des autres. Mais elle donnait des arguments de raison là où le rejet du Président Emmanuel Macron est de l'ordre de l'émotion. Même les plus aptes, parmi les LR modérés, à soutenir la politique du gouvernement, ils rejettent la méthode beaucoup trop autoritaire du Président de la République.

    Pour ce dernier jour de campagne des élections législatives, la situation semble bloquée dans les sondages sur "presque" une majorité absolue pour le RN. C'est le "presque" qui fait tout et qui ne fait rien. Y aura-t-il une autre majorité, alternative, une impossible majorité ?

    Malgré les sondages, jamais la situation n'a été aussi inquiétante pour les Français, qui ressentent à plus de 80% dans les sondages un réel malaise depuis la dissolution, un malaise du même ordre que lors du premier confinement contre le covid-19. Où nous emmène-t-elle donc, cette dissolution ? Vers un cauchemar où il faudrait choisir en gros entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ? Ce cauchemar que j'avais craint faire en 2017 et en 2022.

    Ce qui est clair, et les instituts de sondage l'ont repéré aussi, c'est qu'il y aura une forte participation le 30 juin 2024 : au moins les deux tiers des inscrits (au lieu de moins que la moitié il y a deux ans). Cela rejoint la participation des dernières élections législatives non couplées avec une élection présidentielle, à savoir 1997. D'autres petits signes le confirment. Ainsi, 410 000 Français de l'étranger ont déjà voté en deux jours depuis mercredi, au lieu des 250 000 au total aux dernières élections. Le site Internet a même été saturé par la trop forte demande. Les procurations, qui se font plus facilement maintenant, ont explosé, cinq fois plus qu'en juin 2022, avec au soir du 26 juin 2024, « 2 124 918 millions » de procurations délivrées (retirez le mot "millions" et vous corrigerez l'amusante erreur de LCI).

    À qui la participation va-t-elle profiter ? A priori, à tous les candidats, à tous les camps. Toutes les catégories sociales envisagent de participer plus, les jeunes, les moins jeunes, les ouvriers, les cadres supérieurs, les retraités, etc. C'est clair que ces élections éclair sont considérées comme cruciales. Avec toujours cette petite rancœur contre celui qui les a imposées. Elles sont l'occasion de retour de vieilles connaissances comme Jean Myard (gaulliste outrageusement soutenu par le RN), Dominique Voynet, François Hollande, etc. Certains autres se démasquent comme Jérôme Sainte-Marie qui est candidat RN après avoir vaguement fait semblant d'être un politologue sondagier sur les plateaux de télévision pendant des années.

    Le dernier débat qui a fait intervenir Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure le jeudi 27 juin 2024 sur France 2 (qu'on peut revoir à la fin de cet article) n'apporte pas beaucoup d'éléments nouveaux et ne fera probablement pas changer les lignes. Après Jean-Marc Ayrault la première semaine, Martine Aubry, maire de Lille, depuis sa mairie, s'est exprimée ce 27 juin 2024 pour soutenir les candidats de la nouvelle farce populaire. Cependant, ces socialistes dont je ne doute pas de la sincérité n'ont pas compris qu'en s'alliant avec France insoumise, ils se sont interdit le vaste front républicain qu'ils réclamaient face au RN.


     

     
     


    Je m'arrêterai à ces deux points-là : France insoumise considérée comme l'extrême gauche et le ressentiment contre Emmanuel Macron. Au-delà du fait que FI a donné son investiture entre autres à Philippe Poutou, qui est du NPA, le comportement des insoumis a de quoi s'inquiéter.

    Au cours d'une réunion publique qui avait invité successivement tous les candidats de ma circonscription (cinq sont venus sur les huit), j'étais intéressé par la réponse des deux questions de la salle en rapport avec ces deux sujets, du député sortant Paul Midy, candidat à sa succession.

    La première question était : pourquoi, vous, la majorité présidentielle, considérez que les insoumis sont d'extrême gauche alors que le Conseil d'État ne les considèrent pas comme tels ? Paul Midy a répondu ainsi : le Conseil d'État donne une réponse juridique et pas politique mais lui-même considère en effet que les insoumis sont des extrémistes et des populistes : « Je les qualifie de force extrémiste populiste ». Pour trois raisons.

    La première raison : les dépassements fréquents de nombreuses lignes rouges. Quelques exemples : quand Jean-Luc Mélenchon a parlé de « camper » pour Yaël Braun-Pivet dont le nom est d'origine juive, l'allusion était très claire et volontaire. Idem pour Mathilde Panot qui a parlé de « rescapée » pour la Première Ministre Élisabeth Borne qui a eu de la famille rescapée des camps, c'est pareil, c'était dit intentionnellement, ce n'était pas une maladresse mais dit en conscience. Le soutien à Sainte-Soline avant, pendant et après les manifestations très violentes étaient des soutiens clairs des actes de guerre et des appels à la violence.

    La deuxième raison : Jean-Luc Mélenchon s'appuie sur la remise en cause des institutions par la violence. Notamment dans l'hémicycle. Paul Midy a eu cette formule : « On bosse tous les jours en open space ! » (dans l'hémicycle). Les insoumis sont des gens intelligents, tout cela est conscientisé, voulu. Cette violence n'est pas une manière d'exercer sereinement la démocratie. France insoumise a aussi investi un candidat fiché S. Ce n'est pas une erreur des services de renseignement. Le candidat a été fiché S parce qu'il préside un groupe, Jeune garde, qui serait antifasciste. Mais Paul Midy, qui fut directeur général de LREM, a connu des personnes de son équipe, appartenant aux Jeunes avec Macron, qui ont été tabassés par ce groupe très violent Jeune garde. FI choisit la méthode de la violence.


    La troisième et dernière raison : le programme du NFP est ouvertement populiste. Il n'est pas fait pour être le meilleur programme pour la France, non. Il est simplement fait d'une liste de promesses, juste pour faire plaisir aux électeurs, sans considération de l'intérêt général.

    Pour ma part, je reste encore sidéré que les autres partis de gauche (PS, PCF, EELV) aient accepté, en deux jours, de se lier ainsi tant électoralement que programmatiquement avec un tel parti extrémiste. Ce sera sans doute une grande énigme politique (dans ces élections, il y en a d'autres qui seront aussi analysées encore dans quelques décennies dans les livres de sciences politiques).

     
     


    L'autre question très pertinente posée à Paul Midy, elle l'a été par un ancien électeur d'Emmanuel Macron de 2017 qui semble être déçu (je ne suis pas sûr de son vote actuel) : selon vous, qu'est-ce qui a cloché avec Emmanuel Macron depuis sept ans ? Paul Midy a répondu deux choses : d'abord, ils n'ont pas été crédibles sur la transition écologique, ce qu'il a expliqué par une mauvaise communication (mais c'est peut-être plus que cela), les gens ont eu peur, en ont marre et ils n'ont pas su faire embarquer dans ce grand enjeu la plupart des gens ; ensuite, il pense qu'ils ont raté le sujet de l'immigration. Ils avaient une politique équilibrée et raisonnée sur l'immigration, applicable dans le cadre des valeurs républicaines, et ils n'ont pas été compris ou ils n'ont pas convaincu.

    Sa circonscription a beaucoup bougé politiquement, a souvent alterné, dans le passé, entre un député UMP et un député PS, et en 2022, Paul Midy a conquis la circonscription face au député sortant avec 18 voix seulement d'écart (sur 68 469 inscrits !). Comme il s'est pas mal démené pour l'innovation, la recherche et le financement des jeunes entreprises (jusqu'à créer 50 000 emplois), partisan du plein emploi qui changera fondamentalement les rapports entre les employeurs et les employés, et apportera des ressources supplémentaires pour l'école, la santé, l'armée, etc., il pourrait croire que les électeurs lui en seraient reconnaissants. Toutefois, les élections législatives suivent souvent des lois politiques particulièrement déchirantes pour les hommes et les femmes en quête de réélection, en particulier lui qui assume totalement son soutien à Emmanuel Macron dont la photographie est sur ses documents de campagne (au contraire d'autres collègues), aux côtés de Gabriel Attal et de son prédécesseur Édouard Philippe.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Paul Midy.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240627-paul-midy.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/28/article-sr-20240627-paul-midy.html





     

  • Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...

    « [Ensemble pour la République] propose de continuer les réformes pour le travail, la réindustrialisation, une écologie des résultats, pour investir dans les services publics sans impôts ni dette supplémentaire et de défendre une laïcité assumée et une autorité restaurée depuis l’école jusqu’à la justice. Elle défend des choix clairs sur Israël et Gaza comme sur l’Ukraine et a bâti depuis sept ans une armée plus forte dont nous aurons doublé le budget. Cette troisième voie est la meilleure pour notre pays. Non seulement parce qu'elle protège les Français et prépare l'avenir. Mais parce qu'elle est la seule à pouvoir à coup sûr faire barrage à l'extrême droite comme à l'extrême gauche au second tour. » (Emmanuel Macron, le 24 juin 2024).




     

     
     


    Il ne reste plus que deux jours de cette très étrange campagne des élections législatives. Il faut le rappeler, les électeurs ne se sont pas encore prononcés pour élire leurs députés mais les sondages semblent dire que c'est déjà fait. Si les tendances des différents courants politiques sont assez bien évaluées par les sondages (qui ne s'étaient pas trompés pour les élections européennes, il faut insister sur ce point), les sondages sont incapables de donner des estimations correctes sur la situation des 577 circonscriptions car ces multiples situations dépendent de la configuration des candidatures qui s'offrent aux électeurs (alliance RN-Ciotti, un candidat ciottiste est différent d'un candidat RN, couleur politique du candidat NFP, présence ou absence de candidat Ensemble ou LR, etc.), de la personnalité des candidats (implantation locale, etc.), et surtout, pour les projections en sièges, des décisions des candidats encore en course entre les deux tours (maintien ou désistement, décisions qui, par définition, ne sont pas encore connues).

    Mais les journalistes dans leur grande majorité et aussi certains responsables politiques font comme si les élections avaient déjà eu lieu. Le premier politique à considérer l'élection acquise, c'est bien sûr le président du RN, Jordan Bardella, et il a bien raison puisque cela a bien marché pour lui : avec son bluff, il avait réclamé la dissolution s'il arrivait nettement en tête aux élections européennes et le Président Emmanuel Macron lui a offert la dissolution sur un plateau d'argent. Depuis le 9 juin 2024, il ne cesse pas d'y aller au bluff en disant qu'il sera le prochain Premier Ministre et que c'est acquis. Le pire, c'est que le petit monde médiatico-politique a tendance à penser de même, plus par commodité intellectuelle et manque d'imagination que par adhésion farouche et ferme au gendre du clan Le Pen.

    Alors, évidemment, l'idéologie ou la tradition politique des uns ou des autres y sont pour quelque chose. Beaucoup de journalistes sont de gauche et s'inquiètent légitimement du risque de l'arrivée au pouvoir du RN. Mais considérant, comme dans les sondages, que les candidats de la majorité présidentielle seraient hors jeu (ce qui est faux, les sondages montrent trois blocs et pas un qui s'est effondré, ceux qui se sont effondrés, ce sont d'abord les candidats LR canal historique, c'est-à-dire anti-ciottistes), et ils ont montré un soulagement à peine dissimulé à l'accord complètement dément de la nouvelle farce populaire (NFP) où les socialistes, les écologistes et les communistes, pour quelques plats de lentilles (et circonscriptions !), se sont déculottés idéologiquement devant les insoumis, Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard.

    Résultat, comme toujours, les journalistes vont plus vite que la musique et demandent depuis deux semaines aux candidats Ensemble pour la République ce qu'ils feraient entre un candidat RN et un candidat NFP. Il faut bien comprendre que cette question en elle-même est idéologisée puisqu'elle exclut la possibilité que le candidat Ensemble soit présent et puisse même gagner au second tour. Pourtant, dans leurs projections incertaines, les sondages attribuent malgré tout une petite centaine de circonscriptions à la majorité présidentielle (qui, je le rappelle, resterait majorité présidentielle même si elle perdait ces élections législatives puisqu'une majorité des Français a choisi Emmanuel Macron en 2022 comme Président de la République pour cinq ans).

    Il y a bien sûr les autres que ceux de la majorité présidentielle qui y répondent. Parfois parce qu'ils ne sont pas politiques, comme Bernard-Henri Lévy qui, le 26 juin 2024 sur BFMTV, a déclaré qu'il ne choisirait pas si le choix était entre un candidat RN et un candidat insoumis. Le même jour sur la même chaîne, un autre philosophe, académicien lui, Alain Finkielkraut (qui va fêter son 75e anniversaire au cours du premier tour) a la même position et a annoncé du coup son vote pour un candidat de la majorité présidentielle.

    En fait, beaucoup, même issus de la gauche, ont cette démarche de refuser tous les extrêmes, l'extrême droite, bien sûr, et aussi l'extrême gauche. Et je veux souligner un fait important : l'extrême gauche n'est pas seulement France insoumise, c'est tout le NFP car cette alliance est une alliance bancale et quoi que disent les responsables du PS, du PCF, d'EELV, au soir du 7 juillet 2024, il y aura une majorité d'élus insoumis au sein du NFP. Pas étonnant : Jean-Luc Mélenchon et ses sbires se sont réservés les circonscriptions les plus gagnables, sur une analyse des élections européennes. Et l'éviction, dans les investitures, de candidats insoumis dissidents (parler de dissidents est significatif d'un régime qui tend à l'autoritaire), comme celle de Raquel Garrido et Alexis Corbière (qui en deviendraient presque sympathiques !), montre à l'évidence que Jean-Luc Mélenchon veut avoir le contrôle absolu du futur Premier Ministre si le NFP venait à gagner (pour le malheur de la France).


    Il faut d'ailleurs bien dire les choses : certains candidats socialistes, écologistes ou communistes sont bien ennuyés de s'être ligoté les mains avec la corde des insoumis car, par leur inconséquence, ils s'empêchent de former un réel front républicain allant jusqu'au centre droit voire la droite contre la possible arrivée au pouvoir du RN. Pour la majorité présidentielle, la situation est de toute façon simple : aucun extrême ! Vouloir combattre l'extrême droite en soutenant les insoumis serait paradoxal puisque cela irait à l'encontre les valeurs républicaines qui l'ont fait s'opposer à l'extrême droite.

    La difficulté, c'est d'imager un plan B après le second tour, la formation d'une grande coalition qui irait de la droite à la gauche, excluant les insoumis, mais comment combattre le NFP et essayer d'en récupérer quelques composantes ? C'est pourquoi ces alliés aux insoumis non seulement se sont mis eux-mêmes dans le pétrin mais vont plonger la France dans une aventure politique et institutionnelle durable.

    Une fois évoqué cela, beaucoup de responsables politiques et de journalistes (tous de gauche) disent que de toute façon, le NFP ne pourrait pas gagner la majorité absolue, donc ne serait pas au pouvoir, et donc, son programme démentiel ne serait pas appliqué. Et en profitent pour cyniquement dire : préférez donc un candidat même insoumis à un candidat RN, ça ferait toujours un siège de moins pour le RN et ça n'impacterait pas sur l'avenir de la France. Même Dominique Strauss-Kahn est tombé dans ce piège dans une interview le 25 juin 2024 à "Challenges" par une sorte de pari renouvelé de Pascal. J'imagine que de la pensée et de la philosophie (de chambre d'hôtel) de DSK, la plupart des électeurs, même sociaux-démocrates, s'en moquent, mais c'est utile de signaler l'arnaque intellectuelle, car la seule voie pour éviter le bloc d'extrême droite et le bloc des insoumis, c'est de voter pour le bloc central, il n'y a pas d'autre voie.

    En fait, la haine contre Emmanuel Macron est parfois plus forte, dans cette gauche modérée, ou les arrière-pensées de boutiquier (augmenter le nombre de sièges) plus fortes, que l'esprit de responsabilité et l'intérêt national. Cela fait peur ! Et la mauvaise foi est à tous les étages.

     

     
     


    Refusant de répondre à l'ultimatum un peu surréaliste de Marine Tondelier, la porte-parole d'EELV, sur la position de la majorité présidentielle entre le RN et le NFP, le président du MoDem François Bayrou, invité de France 5 le 26 juin 2024, a déclaré qu'il ne fallait pas parler de second tour alors que le premier tour n'a pas encore eu lieu. Et a rappelé que de toute façon, il ne pouvait se satisfaire d'un choix exclusivement entre le RN et FI. C'est pour cela qu'il a appelé les modérés à rejoindre les candidats de la majorité, seuls susceptibles d'éviter les extrêmes et de permettre à la France de continuer à progresser dans son économie et sa transition écologique. Ceux qui répondent à cette question lancée à gauche se placent déjà en état de défaite, et dans ce cas-là, ce n'est même plus la peine d'être candidat ! Il ne faut donc pas tomber dans ce piège.

    J'aime beaucoup François Bayrou et j'ai souvent voté pour lui (et étais membre du CDS et de l'UDF), mais je ne suis pas du tout d'accord avec lui sur le scrutin proportionnel car il a dit, sans avoir de contradiction sur le plateau, qu'il en avait marre d'avoir raison avant tout le monde en disant que le scrutin proportionnel empêchait les extrêmes, ce qui est pourtant complètement faux (c'est d'ailleurs la proportionnelle en 1986 qui a fait élire les premières dizaines de députés FN). Le problème de cette analyse, c'est que cela fait fi de la volonté des électeurs : quel que soit le mode de scrutin, la volonté des électeurs sera de toute façon servie et déclinée en majorité. François Bayrou se trompe en confondant le contenant avec le contenu. Le scrutin majoritaire a la grande qualité de permettre (la plupart du temps) de dégager des majorités pour gouverner et on a vu entre 2022 et 2024 comme c'est difficile quand il n'y en a pas (la proportionnelle empêchera la plupart du temps de dégager des majorités absolues). Je publierai un article sur ce sujet spécifique comme j'en avais l'intention, mais après ces élections législatives.

    Ce qui est fort de café, c'est de considérer que l'extrémisme mélenchonesque serait moins grave pour le pays que l'extrémisme du RN. Mais comme beaucoup de responsables de la majorité, je considère que la France ne s'en remettrait pas plus avec Jean-Luc Mélenchon ou son clone Manuel Bompard. Il faut aussi rejeter l'idée que le programme du NFP ne sert à rien, ce qui est d'un cynisme sans limite. Ceux qui ont signé pour un programme aussi irresponsable et inconséquent, mettant les finances publiques dans un état de faillite complète (200 à 300 milliards d'euros de déficit supplémentaire !) doivent assumer politiquement mais aussi électoralement leur signature. Je pense notamment à Olivier Faure mais aussi à François Hollande.

    Enfin, l'argument d'avoir voté Emmanuel Macron au second tour en 2022 et en 2017 a bon dos pour faire voter aux législatives pour Jean-Luc Mélenchon : les observateurs de la vie politique qui n'ont pas la mémoire d'un poisson rouge se rappelleront que Jean-Luc Mélenchon avait obstinément refusé de choisir entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron tant en 2017 qu'en 2022, alors qu'en 2002, je n'ai pas oublié qu'il avait été parmi les premiers à appeler à voter pour Jacques Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Il faut dire aussi qu'une large partie de son électorat allait de toute façon voter pour Marine Le Pen qui était, par ailleurs, une amie à Strasbourg lorsqu'ils étaient tous les deux députés européens. C'est donc très culotté de vouloir faire aujourd'hui à la majorité présidentielle des leçons de morale sur la manière de considérer ce qui est l'intérêt national ou pas.

    Il y a aussi les mots de vocabulaire. On parle de consignes de vote, mais on sait très bien que les électeurs se moquent des consignes de vote, ils sont adultes (et vaccinés) et n'ont besoin de personne pour faire leur choix. Il y a en revanche les consignes données aux candidats qui restent au second tour et la question de s'effacer ou de se maintenir pour éviter l'élection d'un candidat RN ou FI (et le candidat respectera-t-il les consignes nationales ?). On parle de front, il est national, populaire ou républicain mais il ne veut plus rien dire, comme l'expression faire barrage, mais faire barrage à qui ? Il y a ceux qui veulent faire barrage au RN, d'autres à Jean-Luc Mélenchon, d'autres encore à Emmanuel Macron, et ces trois barrages s'auto-compensent dans la tragédie électorale que nous vivons. Enfin, il y a deux expressions, le rassemblement et l'union nationale, toutes les deux préemptées par Jordan Bardella qui appelle à un gouvernement d'union nationale, comprendre d'union entre le Rassemblement nationale et LR canal Ciotti. Tous ces mots de vocabulaire sont dépassés, abusés, fatigués, épuisés et c'est bien pour cela que faire de la politique est compliqué, car les mots ont souvent trompé, trahi les électeurs et ont désormais des connotations négatives.

    Enfin, je termine sur la majorité sortante. Aller plus vite que la musique, c'est aussi penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, et certains responsables de la majorité sont particulièrement décevants à ce sujet. Car 2027 est très loin, à des siècles de ce qui va se passer dans quelques jours. Vouloir se placer, se positionner pour 2027, c'est simplement oublier les Français et la France.

    Si la déclaration de Gérald Darmanin d'annoncer que s'il était réélu député, il resterait à l'Assemblée Nationale et quitterait le gouvernement pourrait sembler normale avant l'élection (dire à ses électeurs qu'il s'occupera d'eux), en revanche, les déclarations ambiguës de l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe (il a dit le 20 juin 2024 sur LCI : « C'est le Président de la République qui a tué la majorité présidentielle, il a décidé de la dissoudre. ») et du Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire (ce dernier a dit le 20 juin 2024 sur TV5 Monde : « Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes. Il y a toujours eu des cloportes, ça fait partie de la vie politique française, ils sont dans les parquets, dans les rainures des parquets, c'est très difficile de s'en débarrasser. Le mieux, c'est de ne pas les écouter et de rester à sa place, qu'on soit Président de la République, Premier Ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience. ») ne montrent que de l'amertume voire de l'acidité inutile et inefficace en période de campagne. En revanche, Gabriel Attal a su tourner la page et s'attaquer à la campagne en la menant avec dynamisme et enthousiasme, et François Bayrou a rappelé il y a quelques jours que le temps de l'analyse ne peut venir qu'après les élections, pour l'instant, il faut faire campagne et les Français les attendent aussi.



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    Sylvain Rakotoarison (26 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
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    Sidération institutionnelle.
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  • Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard

    « Je propose (…) une règle d'or : pas d'augmentation d'impôts pour les Français. C'est clair, c'est dit, je le signe, il n'y aura pas, si les candidats Ensemble pour la République forment une majorité, d'augmentation des impôts des Français. Je rappelle que ces dernières années (…), on a supprimé la taxe d'habitation, compensée aux collectivités locales, supprimé la redevance audiovisuelle que payaient les Français auparavant, vous avez tous les deux voter contre à l'époque, en tout cas, vos partis, aucun de vous ne propose de rétablir ces taxes, ce qui montre que finalement, on ne devait pas avoir totalement tort de les supprimer même si à l'époque, vous vous êtes opposés à cette suppression. On continuera à ne pas augmenter les impôts des Français. » (Gabriel Attal, le 25 juin 2024 sur TF1).



     

     
     


    Probablement que le sommet de la très courte campagne de ces élections législatives anticipées a eu lieu ce mardi 25 juin 2024 dans la soirée sur TF1, avec le débat entre trois ténors des protagonistes : Jordan Bardella (28 ans) pour le RN, Gabriel Attal (35 ans) pour la majorité présidentielle et Manuel Bompard (38 ans) pour la nouvelle farce populaire (NFP).

    La première réflexion que je me suis faite à ce débat, certes anecdotique, c'est que tous les trois portaient une cravate. Si c'était très ordinaire pour les deux premiers, il me semble bien que je n'avais jamais vu Manuel Bompard avec une cravate. Ce n'est pas si anecdotique que cela, en fait, car si le gourou suprême des insoumis est généralement (pas toujours) très bien habillé et cravaté, le groupe des insoumis avait obtenu le 19 juillet 2017 du bureau de l'Assemblée Nationale que le port de la cravate ne soit plus obligatoire. Et même qu'il n'avait jamais été obligatoire.

    Soudain, je me suis dit alors, en forme de cauchemar, même si je ne suis pas contre la cravate a priori : diable, avec le RN au pouvoir, le port de la cravate deviendrait-il obligatoire dans les espaces publics ? Déjà qu'il voudrait imposer le port de l'uniforme aux gosses, une idée assez stupide par ailleurs ne venant pas du RN mais de François Fillon et reprise par Emmanuel Macron et Gabriel Attal lui-même.

    Le RN a bien compris que la cravate était une marque de respect à ses interlocuteurs. Évidemment, non, le port de la cravate n'est pas obligatoire, et ne le sera pas, mais d'un côté, Jordan Bardella a justement suivi à la lettre la consigne que Marine Le Pen avait imposée à ses 88 députés élus en juin 2022 : porter la cravate en guise de respectabilité, et comme Jordan Bardella porte beau, ça le fait, on le croit, l'acteur est conforme au miroir ; d'un d'autre côté, quoi de plus naturel que le Premier Ministre porte la cravate.

    Et Manuel Bompard, alors ? Il suffisait d'attendre quelques minutes pour voir fuser le tweet de Jean-Luc Mélenchon : « Ce soir, Manuel Bompard a démontré une force, un niveau de connaissance et une sensibilité humaine que les autres n'ont pas égalé [sic : en principe, on accord le participe passé, alors soyons vieux jeu, donc égalés]. Ce débat entre futurs Premiers Ministres montre qu'il est mieux qu'au niveau. ». Et là, tout s'éclaire : Jean-Luc Mélenchon va proposer que Manuel Bompard soit le Premier Ministre du NFP ! C'est vrai qu'il a été bon dans ce débat, ne coupant pas la parole, ce qui lui donnait presque des airs sympathiques (ce que je ne doute pas sur le plan personnel).

    Mais il faut aussi regarder derrière lui, qui était présent : que des insoumis, et pas n'importe lesquels, des Louis Boyard etc. Aucun du PS, aucun du PCF, aucun d'EELV. Bref, voici une conception de l'union NFP qui montre bien sa nature : l'hégémonie des insoumis ne serait pas que pesante, mais exclusive. Il n'y en aurait que pour eux. NFP = FI, cette équation est évidente autant qu'en 2022, NUPES = FI. Attention aux électeurs égarés à gauche, qu'ils se rappellent que même non insoumis, un candidat NFP qui gagnerait, ce serait un risque de plus pour que Jean-Luc Mélenchon ou Manuel Bompard soit à Matignon.

     

     
     


    Si derrière Jordan Bardella, il n'y avait que des RN, c'était un peu évident puisque le RN prétend faire la course en tête tout seul, alors que derrière Gabriel Attal, aux côtés de participants de Renaissance, il y avait les autres composantes de la majorité représentées, en particulier le MoDem et Horizons. Cette exclusive représentation des insoumis derrière Manuel Bompard est donc très symptomatique de la manière dont Jean-Luc Mélenchon traite ses alliés-vassaux : comme de la sous-crotte inexistante.

    Je ne reprendrai pas tout le débat (on peut le voir ou revoir à la fin de l'article) mais il est important de prendre quelques mesures proposées par Jordan Bardella, candidat autoproclamé au poste de chef du gouvernement. Depuis quelques semaines, il marche sur des œufs avec cette obsession : être lisse, rester propre sur lui, ne rien faire qui puisse semer le doute tant sur sa capacité à gouverner que sur le caractère positif (et consistant) de son programme.

    Au-delà du fait que ce grand gaillard de 28 ans n'a aucune expérience professionnelle sinon dans les jupes de députés européens FN (collaborateur parlementaire) et des mandats (député européen et conseiller régional d'Île-de-France) qu'il honore peu de sa présence, il a bien du mal à convaincre qu'il serait capable de diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. Si les Français, même électeurs du RN, travaillaient à la direction des ressources humaines du paquebot France, ils lui diraient : ok, mais d'abord, il va falloir faire tes preuves. Sauf que les Français ne se croient pas dans un vaste espace de recrutement mais dans une sorte de téléréalité où celui qui a les dents les plus blanches l'emporterait sur les autres. Toutefois, tout montre que Jordan Bardella aux-petites-fiches (doctus cum libro, asinus in prato) a de l'appréhension à aller jusqu'au bout.

    Alors, venons-en aux faits et prenons quelques mesures qui sont très claires.

    Par exemple, la retraite. Petite introduction : malgré les nombreuses alternances depuis 1991 (et le livre blanc des retraites à l'époque du Premier Ministre Michel Rocard qui affirmait que les retraites seraient un sujet qui pourrait faire chuter beaucoup de gouvernements dans l'avenir), aucun gouvernement n'est jamais revenu sur les réformes des retraites antérieures tout simplement parce qu'elles étaient nécessaires et leurs prédécesseurs avaient assumé politiquement leur mise en œuvre. Pour les successeurs, c'était "tout-bénef" !

    Que propose Jordan Bardella ? En fait, dans la réalité, la retraite à 66 ans au lieu de la retraite à 64 ans ! Eh oui, il vient de comprendre qu'il y avait deux données au problème : l'âge de la retraite et le nombre d'annuités. Ainsi, voici son raisonnement : « Une progressivité qui va se mettre en œuvre, et qui tournera autour d'un âge pivot de 62 ans et de 42 annuités. Par conséquent, j'ai noté l'exemple que vous avez mentionné, à 24 ans, vous partirez avec 42 années de cotisation, c'est-à-dire, 66 ans ! (…) Quand vous avez commencé à travailler plus tard, il est normal que vous soyez amenés à travailler plus tard. ». À la différence de la retraite actuellement, où l'on peut quand même prendre sa retraite à 64 ans mais avec une pénalité pour le montant dans la pension, avec le RN, c'est devenu impossible. Or, le cas de commencer à travailler à 24 ans est assez ordinaire puisque c'est l'âge classique après des études supérieures. Quant aux carrières longues (commencées à 18 ans), la retraite est déjà à 60 ans dans le dispositif actuel. En clair, Jordan Bardella a inventé l'eau tiède.

    La réaction de Gabriel Attal, tant face à Jordan Bardella qu'à Manuel Bompard qui veut la retraite à 60 ans, c'est de rappeler une évidence : « Notre système de retraite est par répartition, c'est-à-dire que les pensions de nos retraités sont payées par les Français qui travaillent. (…) Vous abaissez l'âge de départ à la retraite, ça veut dire qu'il y aura encore plus de retraités dont il faudra financer la pension et moins de personnes qui travaillent, et donc, ça veut dire qu'il faudra diminuer les pensions de retraite. Et ensuite, c'est les actifs eux-mêmes, ce que vous proposez, c'est une immense usine à décote, et ce que vous proposez, c'est une réforme qui coûte soit 43 milliards d'euros, même si maintenant, j'ai un doute car ce n'est pas clair ce que vous avez dit [adressé à Jordan Bardella] (…), soit une centaine de milliards d'euros pour vous (…) qui nécessairement se financera par une baisse de pension des retraités ou par une augmentation des cotisations des actifs. ». Ainsi, augmentation des cotisations assumée pour le NFP, masquée pour le RN. De plus, Gabriel Attal a pointé les contradictions dans les deux camps : le RN est en alliance avec Éric Ciotti partisan des retraites à 65 ans ! Tandis que le NFP a investi Aurélien Rousseau, ancien Ministre de la Santé qui a mis en place la dernière réforme des retraites du gouvernement, ainsi que François Hollande qui avait déjà mis progressivement en place les 43 ans d'annuités avec la réforme Touraine (et pas 40 ans comme le propose Manuel Bompard).

     

     
     


    Une autre mesure, c'est l'exonération de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de moins de 30 ans. Là encore, c'est une mesure très démagogique d'une grave injustice. Indépendamment du fait que Jordan Bardella gagne bien sa vie à moins de 30 ans avec ses indemnités de parlementaire européen et de conseiller régional (ces indemnités sont versées après impôt, donc il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus), cela signifierait que des personnes de moins de 30 ans qui gagneraient bien leur vie, des sportifs de haut niveau (comme Kylian Mbappé), des acteurs, des chanteurs, des stars ou même de patrons de start-up (comme l'équivalent d'un créateur de Facebook) seraient exonérés d'impôts alors qu'ils gagneraient des millions ?

    Le programme du RN, c'est des mauvaises réponses aux problèmes des Français. Les mauvais leviers. Ce n'est évidemment pas l'âge qui doit dire si on peut payer des impôts ou pas, mais le niveau des rémunérations, bien sûr. Comme à tout âge.


    Mauvais paramètre, c'est aussi le cas, et je pense que pour le coup, c'est très grave pour la popularité de Jordan Bardella, une sortie de route, c'est son blabla contre les personnes ayant la double nationalité. Il a dit que dans les emplois dits sensibles (à définir), ceux qui ont une double nationalité seraient exclus.


    Comme il ne voulait pas interdire carrément la double nationalité, la proposition qu'il a faite visait donc à évoquer toujours la double nationalité, mais de manière soft, c'est-à-dire sans beaucoup de conséquence. Mais là, c'est carrément stupide. Exemple : si une personne française est d'origine russe, c'est normal qu'elle ait également la nationalité russe. En quoi serait-elle inapte à occuper un emploi dit sensible dans la vie diplomatique voire militaire ?

    C'est toute la conception du RN que de mettre des étiquettes... dès la naissance, car il s'agit bien de cela. C'est une autre manière de dire qu'on est raciste : catégoriser dès la naissance. Pourtant, telle personnalité à la double nationalité franco-russe pourrait être, au contraire, un diplomate essentiel pour imposer à la Russie nos conditions. Ce n'est pas la nationalité ou la binationalité qui fait une personne sûre ou pas sûre dans un emploi sensible. Les critères sont bien plus contraignants, il y a une enquête de moralité, on regarde même du côté des parents, des conjoints, des enfants, pour éviter tout risque de trahison volontaire ou involontaire. Réduire à la binationalité montre une bien piètre idée de la complexité du monde.

    Mais cela montre aussi deux choses essentielles : la division du peuple français. Le RN ne considère pas qu'une personne qui a la binationalité dont française est une personne de nationalité française en tant que telle et dans sa plénitude des droits et devoirs. Pourtant, c'est le cas, il n'y a qu'une seule catégorie de citoyens français, pas plusieurs. Cette séparation du peuple français est très grave, philosophiquement autant que constitutionnellement. De plus, la binationalité est un sujet très sensible chez les Français, au même titre que le choix du prénom à ses enfants (erreur du candidat Éric Zemmour de vouloir régenter le choix des prénoms des citoyens français). En effet, la binationalité n'est pas seulement un fait provenant de personne immigrée (nationalité du pays de provenance et nationalité du pays de destination), mais plus encore le résultat de parents qui n'ont pas la même nationalité. Toucher à la binationalité, c'est simplement vouloir s'occuper de l'intimité des histoires familiales, et tout le monde serait touché, d'une manière ou d'une autre !
     

     
     


    Ces trois mesures professées par Jordan Bardella montrent d'une part une méconnaissance de la société française, de son mode de fonctionnement, de sa complexité, mais aussi d'autre part une incompétence pour s'emparer des vrais enjeux qui nous attendent, en particulier la transition écologique et le plein emploi, et sur ces deux sujets, à l'évidence, le gouvernement actuel de Gabriel Attal prépare mieux l'avenir de la France que les deux autres contradicteurs qui n'ont aucun sens des responsabilités budgétaires.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240625-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-10-il-etait-une-255436

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/25/article-sr-20240625-legislatives.html




     

  • Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon entre Jean-Luc Mélenchon, Jordan Bardella et Gabriel Attal

    « Elle songea qu'ils se trompaient probablement tous les uns les autres et qu'ils vivaient dans une illusion. » (Marie Vareille, "Ma vie, mon ex et autres calamités", éd. Charleston, 2019).




     

     
     


    L'enjeu qu'a voulu placer le Premier Ministre Gabriel Attal dans ces élections législatives, c'est le choix du Premier Ministre le 8 juillet 2024. C'est aussi l'enjeu de Jordan Bardella, le président du RN, et également, mais de façon un peu plus confus, de la nouvelle farce populaire. Pourtant, je l'ai déjà écrit, la nomination du Premier Ministre est une prérogative exclusive du Président de la République. En d'autres termes, sur le principe, on n'est jamais candidat à Matignon. Ce serait presque un crime de lèse-Président, voire un manière très peu constitutionnelle d'appréhender les institutions.

    Toutefois, dans la pratique, il est bien autrement. On a pu découvrir et se convaincre, avec les trois expériences de la cohabitation (1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002), que le pouvoir se trouvait réellement, en pratique, je répète, à Matignon et pas à l'Élysée. Sans pour autant perdre de l'efficacité des institutions de la Cinquième République puisque pendant ces trois périodes de cohabitation, la France a été gouvernée pas moins efficacement que dans les autres périodes.

    Faire un enjeu du choix du Premier Ministre dans une campagne d'élections législatives, c'est le cas en fait quand celles-ci ne suivent pas directement une élection présidentielle, au contraire de juin 1981, juin 1988, juin 2002, juin 2007, juin 2012, juin 2017 et juin 2022. Ces cas sont rares depuis vingt-cinq ans, mais ils étaient auparavant le cas général. Pour les quatre derniers cas, il fut toujours question de la cohabitation : en mars 1978, en mars 1986, en mars 1993 et en juin 1997. Et c'était bien un enjeu personnel (qui serait le Premier Ministre ?) qui était associé à un enjeu politique (quelle politique serait appliquée ?).

    En 1978, les sondages donnaient la gauche gagnante et le Président Valéry Giscard d'Estaing avait mis en garde : il ne pourrait nommer qu'un Premier Ministre de gauche si elle gagnait les élections. Le terrain de campagne s'est donc porté sur le duel entre le Premier Ministre sortant Raymond Barre et le premier secrétaire du PS François Mitterrand. Ce dernier a finalement perdu et a dû attendre 1981 pour arriver au pouvoir par la grande porte de l'Élysée.

    En 1986, les sondages donnaient gagnante l'union UDF-RPR et ils ont eu raison, de justesse. Au-delà de l'alternance politique, le débat est devenu le duel entre le Premier Ministre sortant Laurent Fabius et son probable successeur, président du RPR, Jacques Chirac. À l'époque, d'autres hypothèses de Premier Ministre avaient germé pour la première cohabitation avec Alain Peyrefitte, Jacques Chaban-Delmas, René Monory, Simone Veil (43,0% aux élections européennes de juin 1984) et même Valéry Giscard d'Estaing, mais aucune de celles-là n'était politiquement crédible en raison de l'hégémonie du chiraquisme.

    En 1993, rebelote pour la deuxième cohabitation. Jacques Chirac ayant échoué à l'élection présidentielle de 1988 a préféré se réserver pour l'élection présidentielle de 1995. Édouard Balladur était le candidat désigné bien avant les élections législatives pour devenir ce Premier Ministre de cohabitation, adoubé autant par l'UDF que le RPR. En face lui, il n'avait aucun adversaire, tant la défaite du PS était attendue.

    En 1997, le cas historique le plus proche de 2024 avec la dissolution, le débat politique continuait à donner le clivage traditionnel entre le RPR (au pouvoir) et le PS (le principal parti d'opposition). À la tête du PS, son premier secrétaire Lionel Jospin (premier au premier tour de l'élection présidentielle de 1995), face au Premier Ministre sortant Alain Juppé, a priori candidat à sa succession, si ce n'est qu'après un premier tour désastreux, la majorité a présenté pour Matignon la perspective de la nomination de Philippe Séguin, plus populaire. C'était trop tard et, grâce à de nombreuses triangulaires où le FN a perturbé le jeu entre UDF-RPR et PS, la gauche a gagné et Lionel Jospin est resté au pouvoir pendant cinq ans, jusqu'à la fin du septennat de Jacques Chirac.


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    On conçoit, à ces évocations historiques, que les élections législatives de 2024 qui donnent aussi un enjeu de personnes à Matignon, répondent à la classique envie des Français de personnaliser le débat publique comme il a toujours aimé le faire avec les élections présidentielles depuis 1965. Ces élections législatives, qui sortent des clous de la présidentielle, sont donc, comme dans les quatre cas présentés en introduction, une mini-présidentielle en attendant la grande échéance de 2027... ou avant.

    Les dernières élections qui sont consécutives à une dissolution, en 1997, si la France était majoritairement à droite, elles ont donné un gouvernement de la gauche plurielle pendant cinq ans dans une sorte de bipolarisation troublée par le FN. En 2024, la tripolarisation est réelle, même si elle n'est pas nouvelle puisqu'elle structure la vie politique française depuis 2017 dans le choc de trois (fortes) personnalités Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui, en 2017 et en 2022, ont représenté autour d'un cinquième (voire un quart) de l'électorat.

    Avec l'union obtenue à gauche, qui fait de cette coalition hétéroclite du NFP un étrange attelage assez hypocrite voire mensonger (à l'instar de Danièle Obono, aucun membre du NFP n'est capable de dire si le seuil fixé du SMIC dans ce programme est net ou brut, par exemple !), un simple cartel électoral, puisqu'ils ne sont d'accord sur rien, trois "blocs" s'opposent : le RN, le NFP et la majorité présidentielle, Ensemble pour la République. Au-delà des programmes dont ceux des deux extrémismes populistes (de droite et de gauche) sont tellement n'importe-quoi qu'ils ne sont pas crédibles dans leur forme (et les électeurs, apparemment, s'en fichent), le débat s'est aussi déplacé sur le plan personnel entre ces trois personnalités marquantes de la vie politique.


    1. Jean-Luc Mélenchon, le candidat à Matignon du NFP/Nupes

    C'est sans doute la coalition qui est la plus confuse sur le choix du Premier Ministre, preuve qu'elle n'a aucun but de gouverner un jour la France puisqu'ils n'ont ni programme cohérent ni chef. Jean-Luc Mélenchon a été le premier à annoncer son ambition de Matignon, mais on l'a vite fait taire. Comme Emmanuel Macron au centre, Marine Le Pen à l'extrême droite, l'évocation de Jean-Luc Mélenchon est un repoussoir et discrédite son camp.

    Mais son (pseudo-)silence ne signifie pas qu'il a renoncé, car les purges qu'il a provoquées dans les investitures des candidats insoumis le prouvent (Raquel Garrido, Alexis Corbière, Danièle Simonnet, etc.), ainsi que les investitures attribuées sur le bout des lèvres en se bouchant son nez (Clémentine Autain, François Ruffin, etc.), et même celles qui, finalement, ont échoué parce que c'était (vraiment) "trop" mélenchonesque (Adrien Quatennens). Sans compter l'investiture de Philippe Poutou, du NPA, avec ses slogans anti-force de l'ordre, dans la circonscription même où le colonel Beltrame a donné la vie.

    Ainsi, comme à la foire au slip, tout le monde, à la Nupes, était candidat à Matignon : Laurent Berger, Valérie Rabault, Carole Delga, François Ruffin, Clémentine Autain, Fabien Roussel, Olivier Faure, François Hollande (ou alors il veut le perchoir ?), et j'en oublie certainement (qu'ils me pardonnent !), mais finalement, cette multiplicité fait bien le jeu de Jean-Luc Mélenchon dont la candidature, quoi qu'on en dise, est évidente car il n'a, en interne, personne face à lui, et Gabriel Attal l'a bien observé le 20 juin 2024 : « Dissimulation sur le programme dont chacun conteste le chiffrage et dissimulation en maintenant un écran de fumée sur l'identité du locataire de Matignon en cas de victoire de la Nupes. Ils semblent ne pas s'entendre sur un nom, en tout cas, faire mine de ne pas s'entendre sur un nom, et pourtant, le résultat est couru d'avance : ils l'ont dit eux-mêmes, le plus grand groupe de la Nupes choisira le Premier Ministre. Le groupe qui a le plus de candidats et le plus sortants, c'est la France insoumise. C'est elle qui a d'ores et déjà imposé son programme aux autres partis de gauche,et donc, en cas de victoire de la Nupes, le Premier Ministre, ce serait nécessairement Jean-Luc Mélenchon. ».

    Car c'est la différence avec 1936 et 1981, puisque ces références historiques sont utilisées par les protagonistes : en 1936, les radicaux dominaient le Front populaire et le PCF était très minoritaire au sein de l'alliance, et en 1981, la gauche a pu venir au pouvoir justement parce que le PS avait pris l'ascendant sur le PCF. En 2024, au contraire, les insoumis restent très majoritaires au sein de la Nupes.


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    Du reste, Jean-Luc Mélenchon, qui avait fait sa campagne aux élections législatives de 2022 sur le thème "moi Premier Ministre", est « bien évidemment » prêt à Matignon. Le samedi 22 juin 2024 sur France 5, le gourou des insoumis l'a confirmé pour ceux qui auraient mal compris : « J'ai l'intention de gouverner le pays (…). Je ne suis pas en retrait (…). Je ne m'élimine pas ! », même si, selon lui, il ne voudrait pas « s'imposer » ! Au moins, ça a le mérite de la clarté.

    La question lorsqu'on veut voter NFP est donc bien celle-ci, et seulement celle-ci : veut-on avoir Jean-Luc Mélenchon à Matignon ? Veut-on un "je-suis-la-République" au pouvoir avec une conception très castriste et bolivarienne de la démocratie (dont les purges aux investitures ont donné un avant-goût), avec le communautarisme élevé au rang de valeur suprême, en encourageant le stupide wokisme, en scandant le slogan scandaleux "la police tue", et, même, en flirtant plus ou moins habilement avec l'antisémitisme ? Les sociaux-démocrates, les électeurs trahis de Raphaël Glucksmann en 2024, et même ceux de Fabien Roussel en 2022, devraient réfléchir à deux fois avant de se ligoter l'esprit sur l'autel des valeurs républicaines.



    2. Jordan Bardella, le candidat à Matignon du RN

    Le cas de Jordan Bardella est très différent de Jean-Luc Mélenchon. Loin d'être un repoussoir, c'est une personnalité (étrangement) attractive. Il faut le reconnaître, il est populaire et ce jeune homme très lisse est loin d'être un repoussoir pour les électeurs susceptibles de voter pour le RN. Le diable ne se présente jamais dans un apparat affreux, sinon, ce serait trop facile. Marine Le Pen a commencé à "l'utiliser" (j'emploie ce verbe à dessein) en 2019 (il avait 23 ans) pour concurrencer sa jeune nièce Marion Maréchal (mais moins jeune que le "gendre Jordan" qu'il était dans la famille Le Pen, compagnon d'une autre nièce de Marine Le Pen).


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    La question n'est pas encore là, mais si jamais Jordan Bardella accédait à Matignon, la question se poserait véritablement d'une rivalité de fait entre lui et Marine Le Pen, à l'instar du couple formé en 1993 par Édouard Balladur et Jacques Chirac. J'espère qu'on n'en sera pas là, mais connaissant les institutions de la Cinquième République, je me pose vraiment la question de l'intérêt de Marine Le Pen qui a tout à y perdre : soit l'expérience Bardella est un échec et alors, il rejaillira sur le RN et sur elle à l'élection présidentielle, soit au contraire, c'est un succès et la candidature de Jordan Bardella à l'élection présidentielle s'imposera naturellement au clan Le Pen.

    On reste étonné par l'efficacité d'une campagne de communication qui laisse croire que cet individu à peine fini, à 28 ans, sans diplôme universitaire (il n'a pas fini ses études, a-t-il achevé au moins quelque chose ?), sans qu'il n'ait d'autres expériences que deux mandats très peu assidus de député européen et de conseiller régional d'Île-de-France, sans même avoir été élu à l'Assemblée Nationale, sans avoir géré un seul exécutif local, même la mairie d'un petit village, puisse se retrouver à la tête du gouvernement de la sixième puissance mondiale ! Tout dans son image lisse et dans ses propos creux montre une grande incompétence et un bluff formidable, comme s'il n'était qu'un acteur qui ne tiendrait que par les oreillettes et les prompteurs. Est-ce dans l'intérêt de la France, grand pays d'innovations technologiques et politiques ?

    Dans son clip bien ficelé de la campagne officielle, on voit Jordan Bardella dans son fauteuil de président (du RN !), rien sur le bureau, et derrière le fauteuil, un seul drapeau, le drapeau tricolore de la France. Et cette petite question à ses électeurs potentiels : cela ne vous ferait-il rien si le drapeau européen était systématiquement supprimé de toutes les tribunes, de Matignon, des ministères, de l'hémicycle ? Eh bien moi, si, je le regretterais beaucoup, je le vivrais comme un retour en arrière profondément malsain alors que le monde bouge et s'accélère (on le voit avec la guerre en Ukraine voulue par Vladimir Poutine qui soutient le RN dans ces élections, ravi des sondages actuels).

    De plus, sa campagne aujourd'hui se base sur des inversions accusatoires extraordinaires. Jordan Bardella se présente comme le meilleur redresseur de l'ordre, comme le meilleur combattant de l'antisémitisme, comme le meilleur meneur de l'union nationale : « Moi, je veux réconcilier les Français et être le Premier Ministre de tous les Français, dans aucune distinction. Une fois devenu chef de la majorité, je serai le Premier Ministre de tous, y compris de ceux qui n'auront pas voté pour moi. Mon objectif est de recréer du consensus dans le pays. ».


    Du blabla d'autant plus déconnecté du réel que c'est un discours de Président (qui est celui de tous les Français) et pas de Premier Ministre qui est, comme il le dit paradoxalement d'ailleurs en même, de chef de majorité, donc, nécessairement très partisan. Mais ce gloubi-boulga sert à attirer les indécis et surtout, les ignorants des mécanismes institutionnels et politiques, en reprenant des phrases dites par d'autres dans le passé. Dans son débat face à Gabriel Attal, Jordan Bardella avait répété des phrases d'Emmanuel Macron dans son face-à-face avec Marine Le Pen, un vrai plagiat ! Bardella, paresseux et imitateur. Acteur.

    De plus, au contraire de ce qu'ils prétendent, les dirigeants du RN ont été pris de court par la dissolution. La preuve, ils ont bâclé leurs candidatures en investissant certains candidats pas très politiquement corrects notamment à cause des appels à la haine ou l'antisémitisme (en particulier, dans leur passé sur les réseaux sociaux), au point de retirer leur investiture a posteriori, sans que cela n'ait d'ailleurs de conséquence puisqu'ils ne peuvent plus mettre d'autres candidats.

    Dans une situation plutôt favorable de favori, Jordan Bardella se permet même d'enfoncer le clou en laissant planer le risque d'une crise institutionnelle s'il n'y a pas de majorité absolue. Il l'a confirmé au JDD le 22 juin 2024 : « Sans majorité absolue, je serais à la merci d'une motion de censure et je partirais naturellement au bout de quelques jours. J'accepterai d'être nommé à Matignon seulement si j'ai le pouvoir d'agir et la légitimité démocratique et institutionnelle. ». Pas d'inquiétude, même avec une majorité relative, ils ne prendront pas le risque de voir le pouvoir passer devant eux. En revanche, c'est un discours électoraliste qui veut mobiliser tout son électorat nationaliste, ceux qui pourraient être tentés par des candidats de Reconquête et même LR ciottistes, seront amenés à voter utile en faveur du RN. Un discours qui peut en effet être assez efficace.


    3. Gabriel Attal, le candidat à Matignon d'Ensemble pour la République

    Nommé il y a à peine six mois (le 9 janvier 2024), le Premier Ministre Gabriel Attal, après deux jours de sidération, a su prendre le leadership de la majorité présidentielle dans cette courte campagne des élections législatives. Son dynamisme et sa popularité sont deux grands atouts pour la majorité, j'aurais tendance à écrire, pour tenter d'éviter la débâcle. Ce n'est donc pas étonnant que, contrairement à la Nupes, il ait mis au cœur de la campagne le choix de la personnalité pour Matignon.


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    L'avantage du sortant est qu'il a fait ses preuves : malgré son très jeune âge (35 ans maintenant), il a déjà derrière lui une carrière politique prestigieuse. Expérience et compétence : deux fois élu député, membre du gouvernement sans discontinuer depuis plus de cinq ans (depuis le 16 octobre 2018), porte-parole du gouvernement pendant la difficile crise du covid-19, Ministre du Budget (délégué aux Comptes publics), Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse adulé et Premier Ministre.

    À l'écoute des Français, Gabriel Attal a montré depuis longtemps qu'il l'était, sur le terrain comme dans les ministères. En présentant le programme de la majorité le 20 juin 2024, il a apporté une clarification sur ce que pouvaient espérer les Français sans mettre en danger tant la crédibilité financière de la France que sa politique économique qui a montré ses fruits avec la baisse continue du chômage depuis 2017 et la réindustralisation du territoire, politique qui fait désormais des jaloux en Allemagne.


    Dans quelques jours...


    La dédiabolisation (terme assez médiocre) qui signifie une certaine normalisation de l'extrême droite ainsi que le fatalisme qui accompagne la forte popularité de Jordan Bardella donnent tous les atouts du côté du RN. Le fatalisme, c'est aussi une certaine passivité sur les événements programmés par les sondages.

    Je passe sur l'argument stupide "on-n'a-pas-essayé" qui ouvre sur le n'importe-quoi (on n'a pas essayé de se jeter du haut d'un précipice, on n'a pas essayé de lutter contre un crocodile, on n'a pas essayé de déclencher une guerre thermonucléaire, etc.), mais l'argument de la levée de l'hypothèque RN reste encore assez bon marché dans l'esprit d'un certain nombre d'électeurs, y compris d'opposants au RN.

    En gros, il signifie ceci : laissons-les gouverner, et très rapidement, ils vont être impopulaires et on n'en reparlera plus. Je crains d'ailleurs que ce fût l'idée d'origine du Président Emmanuel Macron en dissolvant : montrons au peuple qu'ils sont incapables lorsqu'ils sont en situation et retournons le paradigme. Sauf qu'aujourd'hui, Giorgia Meloni, après un peu moins de deux ans au pouvoir, s'est hissée à la tête du paysage politique italien à ces élections européennes. Même Donald Trump, les Américains en redemandent après quatre années passées à la Maison-Blanche (2017-2021).

    Et je ne doute pas que l'efficacité de l'effet Bardella depuis deux ans se poursuivra même une fois au pouvoir. Le RN sera suffisamment habile (et démagogique) pour prendre des mesures qui vont plaire ; c'est très facile de plaire quand on gouverne, c'est beaucoup moins facile d'être responsable et de penser à l'intérêt national. En revanche, au pouvoir dès dans deux semaines, cela permettrait de démontrer que le RN serait un parti démocratique comme les autres, capables de gouverner et cela le renforcerait dans la perspective de la prochaine élection présidentielle en levant non pas l'hypothèque du RN mais l'hypothèque de l'équivalence RN = fascisme.


    C'est pour cela que la seule voie possible de s'opposer aux matraquages électoraux actuels du RN, ce n'est pas de laisser faire, ce n'est pas de parler de barrage plein de moraline qui n'a plus rien d'efficace, c'est d'abord d'aller sur le terrain des idées, de ses idées, de ses propositions (ou non-propositions), et de leurs conséquences sur l'avenir de la France, pour sa sécurité, sa prospérité, sa crédibilité internationale et sa cohésion sociale.


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    Sylvain Rakotoarison (22 juin 2024)
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    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
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    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


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  • Législatives 2024 (7) : le Jour d'après avec Ensemble pour la République

    « Nous respecterons une règle d'or anti-hausse d'impôt pour les Français afin de les protéger du matraquage fiscal voulu par le RN et la Nupes. Ces deux blocs veulent augmenter les taxes et impôts de tous les Français qui travaillent ou qui ont acquis un petit patrimoine. Nous y ferons barrage. » (Programme d'Ensemble pour la République, le 20 juin 2024).



     

     
     


    La campagne des élections législatives de 2024 sera la plus courte de la Cinquième République, et peut-être même de toutes les républiques, à l'exception d'une. Je n'ai pas vérifié précisément, c'est juste de mémoire, mais je pense qu'il faut remonter aux élections législatives du 8 février 1871 pour avoir une campagne encore plus éclair (encore plus "Blitzkrieg" !), puisqu'elles ont été organisées à la suite de la convention d'armistice entre l'Allemagne et la France signée le... 28 janvier 1871 ! À l'époque, victorieux, Bismarck (le Chancelier allemand) voulait pérenniser juridiquement l'accord d'armistice en le faisant ratifier par une assemblée représentative du peuple français (démocratique !) et c'est donc lui qui imposa à la France de les organiser aussi rapidement. Paradoxalement, le peuple majoritairement rural et peu instruit a envoyé une large majorité monarchiste à l'Assemblée alors que la République venait d'être proclamée le 4 septembre 1870.

    Mais revenons à 2024. Parmi ceux qui n'ont pas compris la dissolution, il y a Gabriel Attal, le Premier Ministre. Il n'était pas partant pour engager la France dans une campagne aussi rapide et avait proposé à Emmanuel Macron sa démission, qui a été refusée. Silencieux pendant 48 heures, Gabriel Attal est revenu dans le jeu électoral et sa position s'est renforcée dans la majorité comme le chef de la campagne de la majorité. Populaire, beaucoup des candidats Ensemble pour la République veulent avoir sa photo sur leurs affiches, tandis qu'Emmanuel Macron a été prié de se faire plus discret à cause de son impopularité (alors qu'en 2017, les candidats macronistes s'étaient fait élire sur la seule base de la photo d'Emmanuel Macron sur leurs affiches !). Et la campagne de Gabriel Attal fonctionne : passer de 14% (vote aux européennes) à 22% en une semaine dans les sondages, c'est sa marque et cela prouve qu'une campagne dynamique peut faire déplacer des montagnes. Il s'est déplacé environ une quinzaine de fois sur le terrain en une semaine et ne lésine pas sur les initiatives.

    Gabriel Attal, nommé à Matignon il y a moins de six mois, a bien compris que la campagne se jouait d'abord sur les images, et les images de la personnalisation. Alors que le poste de Premier Ministre ne se proclame pas, Jordan Bardella fait exactement aujourd'hui ce que Jean-Luc Mélenchon a fait en juin 2022, à savoir s'autoproclamer Premier Ministre. J'y reviendrai plus précisément, mais Gabriel Attal, face à ces deux premiers-ministrables populo-extrémistes, a bien dû se prendre au jeu et s'autoproclamer lui-même Premier Ministre bientôt reconduit si la majorité présidentielle préserve sa force de 2022 (au risque d'être désavoué par le Président de la République). Toujours est-il que cela semble un véritable plus dans la campagne d'Ensemble pour la République. Il n'a pas besoin de faire ses preuves, il est, tout simplement.

    Pièce maîtresse de toute campagne aux élections législatives, le programme. Celui d'Ensemble pour la République pour Gabriel Attal. Il est un peu étrange de demander à tous les candidats de "pondre" (car il s'agit de cela) un programme de législature, en principe sur cinq ans, au moins sur deux ans et demi (jusqu'en 2027), en un temps record de quelques jours. On comprendra donc que ces programmes mal finis ne seront pas à l'origine de la motivation du vote, mais bien entendu, il faut quand même un programme. Et celui que la majorité présidentielle est le plus sérieux parce qu'il est le moins dépensier et respecte le plus les électeurs contribuables : la coalition présidentielle promet qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, ce que se gardent bien de dire le RN ou le NFP dans la mesure où le coût de leur programme (de 100 à 300 milliards d'euros !) imposera nécessairement une augmentation fiscale d'une manière ou d'une autre (assumée à l'extrême gauche, tue à l'extrême droite).

    Le Premier Ministre Gabriel Attal a donc tenu une conférence de presse le jeudi 20 juin 2024 pour présenter le programme de la majorité présidentielle (on peut le lire ici ou revoir la vidéo au bas de cet article).

    Ce programme est sans doute le plus crédible car il est un programme de gouvernement... du gouvernement actuel. Il se nourrit par le sérieux budgétaire (trajectoire de 3% du PIB de déficit en 2027 qu'aucun autre programme ne propose), du refus d'augmenter la pression fiscale déjà énorme, mais au-delà des mesures économiques, par les seuls candidats qui rompent avec le choc de deux extrémismes, de deux populismes, de droite, édulcoré, bien cravaté, du RN, et de gauche, beaucoup moins courtois, plus haineux presque, de FI et de la nouvelle farce populaire. Du reste, pour les programmes de ces deux partis ou coalitions, on peut se rassurer sur le fait qu'ils sont tellement démagogiques et irréalistes qu'ils ne seront pas appliqués et ce seront les électeurs qui ont (une fois encore) cru au père Noël qui en seront pour leurs frais.

    Le programme commence comme le spot de la campagne officielle : avec l'unique image de Gabriel Attal. Pas d'Emmanuel Macron, comme écrit au début. Le programme s'ordonne autour du mot Ensemble, nom de la coalition de la majorité présidentielle qui regroupe les mêmes alliés qu'aux élections européennes, Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, et aussi l'UDI qui, pourtant, ne s'était à l'origine engagé auprès de la Macronie que sur la question européenne. Avec la confusion provoquée par l'alliance assumée du président de LR Éric Ciotti avec le RN (qui n'en rêvait pas tant), les centristes de l'UDI n'avaient plus d'autre choix, face aux deux grossiers populismes, bardellesque et mélenchonesque, que de continuer à faire alliance avec ceux qui représentent le mieux leurs idées.

    Le programme d'Ensemble est composé de neuf parties.



    1. Ensemble pour protéger votre pouvoir d'achat

    La formulation est maladroite car arrogante. "Protéger NOTRE pouvoir d'achat" aurait été plus adapté. Là, c'est le lointain de l'élite qui voudrait s'adresser à la France d'en-bas. Le "nous" aurait fait sens avec "Ensemble". Mais qu'importe la formulation, on a bien compris qu'avec la brièveté de la campagne, un programme ne peut pas se maturer, se peaufiner.

    Quelles sont les mesures ? Avec la perpétuelle question posée à tous les sortants : pourquoi ne l'avez-vous pas fait auparavant, quand vous aviez le pouvoir ? L'introduction du programme y répond : à cause des multiples crises, dont la crise du covid-19 qui n'a pas empêché, malgré tout, de poursuivre la baisse du chômage. Et c'est une éclatante réussite des gouvernements depuis 2017 alors que depuis 1981, la France se mourait dans un chômage de masse. On l'oublie beaucoup trop mais c'est Emmanuel Macron qui a libéré l'économie française et permis durablement la réindustrialisation, l'économie française est enviée par les Allemands, la France est le premier pays européen pour son attractivité auprès des investisseurs... L'enjeu, il est d'abord là : faudrait-il que tout ce travail fût inutile pour qu'il soit stupidement cassé par des démagogues extrémistes, à droite ou à gauche, assoiffés de pouvoir, qui ont montré leur incompétence totale, soit par inexpérience soit par des résultats très décevants (quinquennat de François Hollande pour la gauche) ? Le "stupidement" ne reprend bien sûr pas la volonté des électeurs qui, pour tout démocrate, est sacrée, il peut reprendre la décision un peu précipitée de la dissolution, et la surenchère à la démagogie des deux blocs extrémistes (RN et NFP).

     

     
     


    En outre, Gabriel Attal a rappelé dans sa conférence de presse : « Depuis 2017, nous, les impôts, nous les baissons. Nous avons supprimé la taxe d'habitation. Nous avons supprimé la redevance télé. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu sur les tranches les plus basses, c'est-à-dire sur les classes moyennes. Depuis 2017, nous avons aussi revalorisé les salaires des femmes et des hommes de nos services publics : nos enseignants, nos soignants, nos policiers, nos gendarmes. ». Les électeurs doivent-ils être toujours ingrats ? Ce sera une question peut-être dans les années à venir.

    Alors, les mesures ? Le gouvernement encouragera les augmentations de salaire pour les salaires en dessous de 2 500 euros nets. Dès l'hiver, la facture d'électricité des ménages baissera de 15% (soir 200 euros sur une année) : c'est le résultat de la réforme du marché européen de l'électricité négociée par la France et pas encore mise en œuvre. La prime d'activité, qui a été versée à 6 millions de bénéficiaires en 2023, sera augmentée jusqu'à 10 000 euros, sans charge ni impôt. Les pensions de retraite de 17 millions de personnes seront revalorisées pour suivre l'inflation (mais pas indexées). Dès cet été, des achats groupés de fournitures scolaires permettra de baisser de 15% le prix de la rentrée scolaire dans les familles.


    2. Ensemble pour l'accès à la santé

    Grâce à la suppression du numerus clausus, le nombre de médecins formés va doubler, 16 000 en 2027 contre 8 000 en 2017. Chaque Français aura un médecin de garde à moins de 30 minutes de son domicile. En permettant aux sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, opticiens et orthophonistes de réaliser une vingtaine d'actes médicaux, on libérera 20 millions de rendez-vous médicaux supplémentaires par an. Pour les 3 millions de Français sans mutuelle, une offre de mutuelle publique sera créée à 1 euro par jour. Les fauteuils roulants seront remboursés intégralement dès la fin de l'année. Une facture informative sera envoyée à partir de 2025 après chaque passage à l'hôpital ou en médecine de ville afin de connaître le coût réel des soins et de détecter d'éventuelles fraudes dont l'assuré social n'aurait pas eu connaissance.


    3. Ensemble pour l'accès au logement

    La garantie de loyers sera étendue pour faciliter la location tout en rassurant les propriétaires. Une taxe sur les rachats d'actions financera le fonds de rénovation énergétique des logements des classes moyennes et populaires, pour rénover 300 000 logements supplémentaires d'ici à 2027. Les droits de mutation pour l'achat du premier logement jusqu'à 250 000 euros seront exonérés pour faciliter l'accession à la propriété de 1 million de jeunes de classes moyennes et populaires.


    4. Ensemble pour le travail et le mérite

    Depuis 2017, 300 nouvelles usines ont été ouvertes et ont créé 150 000 emplois. D'ici à 2027, 400 usines nouvelles seront créées avec 200 000 emplois à la clef. Le plan France 2030 sera poursuivi pour favoriser la recherche et l'innovation. 17 milliards d'euros ont été mis en redressement pour fraude en 2023 et cette lutte implacable sera poursuivie contre toutes les fraudes sociales et fiscales. Aucun droit de succession ou de donation ne sera demandé jusqu'à 150 000 euros par enfant et 100 000 euros par petit-enfant. La retraite des agriculteurs sera revalorisée à hauteur de 100 euros par mois pour la moitié des futur retraités. Les TPE et PME seront de nouveau soutenues sur le plan financier et administratif.


    5. Ensemble pour les valeurs de la République

    Laïcité à l'école et dans tous les services publics, interdiction de l'abaya à l'école. Généralisation du testing pour lutter contre les discriminations à l'embauche, lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les haines. Sanction immédiate avec comparution immédiate dans les cas les plus graves pour les jeunes délinquants en revoyant l'excuse de minorité. Depuis 2017, 12 000 personnes ont été expulsées. La délivrance d'une carte de séjour longue durée sera conditionnée à la maîtrise de la langue française et au respect des valeurs républicaines.
     

     
     



    6. Ensemble contre les inégalités de destin

    La formation des professeurs sera renforcée, l'école inclusive aussi pour les élèves en situation de handicap. D'ici à 2027, 100% des résidences universitaires auront été rénovées (elles sont déjà 90% à avoir été rénovées entre 2017 et 2024), et 35 000 nouveaux logements étudiants seront construits dont 10 000 en résidences universitaires. Le repas des étudiants boursiers sera maintenu à 1 euro et leur bourse revalorisée de 37 euros par mois. Un droit de congé de naissance durant trois mois sera mieux indemnisé que le congé parental actuel. Sera instaurée la solidarité à la source avec le versement automatique des aides sociales dès 2025.


    7. Ensemble pour la cohésion de nos territoires

    Le soutien de l'État aux collectivités locales sera poursuivi à l'investissement local pour la transition écologique avec le Fonds vert. Les dotations de fonctionnement ne baisseront pas. Plus de 300 maisons France Services seront ouvertes d'ici à 2027, l'objectif est d'avoir une maison France Services à moins de 20 minutes de chez soi (il y en a déjà 2 700).
     

     
     



    8. Ensemble pour protéger l'environnement

    Après une baisse inédite de 6% des émission de gaz à effet de serre en 2023, l'objectif sera, d'ici à 2030, de baisser de 55% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, dont 20% entre 2024 et 2027. 100 000 véhicules électriques seront proposés chaque année en leasing social. Quatorze nouveaux réacteurs nucléaires seront mis en chantier pour assurer l'indépendance énergétique de la France et la décarbonation de son économie. Le plastique jetable sera progressivement supprimé et l'économie circulaire encouragée.


    9. Ensemble pour que la France rayonne dans le monde

    Appartenance à l'OTAN, dissuasion nucléaire, la France gardera tout ce qui garantit sa souveraineté. Son budget militaire sera doublé d'ici à 2030, selon la trajectoire de la loi de programmation militaire.
     

     
     



    Bloc contre bloc contre bloc

    Dans son propos introductif, Gabriel Attal s'en est beaucoup pris au RN et au NFP : « Cette élection, c'est le choix de votre gouvernement. C'est le choix de votre Premier Ministre. C'est le choix du projet de société que vous souhaitez. Aujourd'hui, ce choix est très clair. Il n'y a que trois blocs, trois alternatives claires : l'extrême droite menée par Jordan Bardella, la Nupes menée par Jean-Luc Mélenchon, ou alors Ensemble pour la République, la majorité que je mène. (…) Le choix entre ces trois blocs se jouera dès le premier tour, dès le 30 juin. (…) Ma majorité, mes candidats sont les seuls à faire preuve de cohérence et à avoir une ligne claire dans cette campagne. (…) L'extrême droite est devenue le camp du reniement national. Depuis le début de cette campagne, ça a été un jour, une reculade. Le programme, c'est un grand effeuillage. Il ne reste à la fin qu'une feuille blanche, et en plus, ils vous demandent de signer en bas. Quant à Jordan Bardella, il a affirmé qu'il n'était pas prêt à gouverner, en tout cas, qu'il n'était prêt à gouverner que si la situation était facile (…). Quand on fuit les difficultés, on n'est pas prêt à gouverner. Le Rassemblement national, c'est l'impréparation, c'est le brouillon et le brouillard. L'extrême droite, c'est faire un saut dans le vide pour les Français. De l'autre, la Nupes, unie derrière la France insoumise, est le camp de la compromission et de la dissimulation. Compromission avec l'extrême gauche et ses outrances, avec lesquelles une partie de la gauche avait pourtant juré, la main sur le cœur, ces dernières semaines, de couper. Compromission sur les valeurs, en s'alliant sur un projet irréaliste et dévastateur pour notre économie. Dissimulation sur le programme dont chacun conteste le chiffrage et dissimulation en maintenant un écran de fumée sur l'identité du locataire de Matignon en cas de victoire de la Nupes. Ils semblent ne pas s'entendre sur un nom, en tout cas, faire mine de ne pas s'entendre sur un nom, et pourtant, le résultat est couru d'avance : ils l'ont dit eux-mêmes, le plus grand groupe de la Nupes choisira le Premier Ministre. Le groupe qui a le plus de candidats et le plus sortants, c'est la France insoumise. C'est elle qui a d'ores et déjà imposé son programme aux autres partis de gauche,et donc, en cas de victoire de la Nupes, le Premier Ministre, ce serait nécessairement Jean-Luc Mélenchon. ».

    Choix par adhésion aux mesures proposées, choix par défaut en opposition aux deux blocs extrémistes et populistes qui jouent sur les peurs, la colère et la démagogie, le choix du 30 juin 2024 sera crucial pour la France car il dira si la France continue à prétendre au meilleur ou y renonce pour se fourvoyer dans une impasse électorale, dans une instabilité économique, financière et politique. Emmanuel Macron annonçait le 18 juin 2024 qu'il avait confiance en l'intelligence des Français. Gabriel Attal n'a pas cité le Président de la République et s'est autoproclamé chef de la campagne en insistant, avec l'emploi de la première personne, à son autorité : "ma" majorité, "mes" candidats, "mon" programme. Et son programme se caractérise d'abord par son sérieux, son réalisme et surtout sa cohérence. En ce sens, il est unique car il est bien le seul à les conforter.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Gabriel Attal.
    Éric Ciotti.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240620-ensemble.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-7-le-jour-d-255341

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/20/article-sr-20240620-ensemble.html




     

  • Gabriel Attal mène la campagne de la majorité

    « Nous respecterons une règle d'or anti-hausse d'impôt pour les Français afin de les protéger du matraquage fiscal voulu par le RN et la Nupes. Ces deux blocs veulent augmenter les taxes et impôts de tous les Français qui travaillent ou qui ont acquis un petit patrimoine. Nous y ferons barrage. » (Programme d'Ensemble pour la République, le 20 juin 2024).



     

     
     


    La campagne des élections législatives de 2024 sera la plus courte de la Cinquième République, et peut-être même de toutes les républiques, à l'exception d'une. Je n'ai pas vérifié précisément, c'est juste de mémoire, mais je pense qu'il faut remonter aux élections législatives du 8 février 1871 pour avoir une campagne encore plus éclair (encore plus "Blitzkrieg" !), puisqu'elles ont été organisées à la suite de la convention d'armistice entre l'Allemagne et la France signée le... 28 janvier 1871 ! À l'époque, victorieux, Bismarck (le Chancelier allemand) voulait pérenniser juridiquement l'accord d'armistice en le faisant ratifier par une assemblée représentative du peuple français (démocratique !) et c'est donc lui qui imposa à la France de les organiser aussi rapidement. Paradoxalement, le peuple majoritairement rural et peu instruit a envoyé une large majorité monarchiste à l'Assemblée alors que la République venait d'être proclamée le 4 septembre 1870.

    Mais revenons à 2024. Parmi ceux qui n'ont pas compris la dissolution, il y a Gabriel Attal, le Premier Ministre. Il n'était pas partant pour engager la France dans une campagne aussi rapide et avait proposé à Emmanuel Macron sa démission, qui a été refusée. Silencieux pendant 48 heures, Gabriel Attal est revenu dans le jeu électoral et sa position s'est renforcée dans la majorité comme le chef de la campagne de la majorité. Populaire, beaucoup des candidats Ensemble pour la République veulent avoir sa photo sur leurs affiches, tandis qu'Emmanuel Macron a été prié de se faire plus discret à cause de son impopularité (alors qu'en 2017, les candidats macronistes s'étaient fait élire sur la seule base de la photo d'Emmanuel Macron sur leurs affiches !). Et la campagne de Gabriel Attal fonctionne : passer de 14% (vote aux européennes) à 22% en une semaine dans les sondages, c'est sa marque et cela prouve qu'une campagne dynamique peut faire déplacer des montagnes. Il s'est déplacé environ une quinzaine de fois sur le terrain en une semaine et ne lésine pas sur les initiatives.

    Gabriel Attal, nommé à Matignon il y a moins de six mois, a bien compris que la campagne se jouait d'abord sur les images, et les images de la personnalisation. Alors que le poste de Premier Ministre ne se proclame pas, Jordan Bardella fait exactement aujourd'hui ce que Jean-Luc Mélenchon a fait en juin 2022, à savoir s'autoproclamer Premier Ministre. J'y reviendrai plus précisément, mais Gabriel Attal, face à ces deux premiers-ministrables populo-extrémistes, a bien dû se prendre au jeu et s'autoproclamer lui-même Premier Ministre bientôt reconduit si la majorité présidentielle préserve sa force de 2022 (au risque d'être désavoué par le Président de la République). Toujours est-il que cela semble un véritable plus dans la campagne d'Ensemble pour la République. Il n'a pas besoin de faire ses preuves, il est, tout simplement.

    Pièce maîtresse de toute campagne aux élections législatives, le programme. Celui d'Ensemble pour la République pour Gabriel Attal. Il est un peu étrange de demander à tous les candidats de "pondre" (car il s'agit de cela) un programme de législature, en principe sur cinq ans, au moins sur deux ans et demi (jusqu'en 2027), en un temps record de quelques jours. On comprendra donc que ces programmes mal finis ne seront pas à l'origine de la motivation du vote, mais bien entendu, il faut quand même un programme. Et celui que la majorité présidentielle est le plus sérieux parce qu'il est le moins dépensier et respecte le plus les électeurs contribuables : la coalition présidentielle promet qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts, ce que se gardent bien de dire le RN ou le NFP dans la mesure où le coût de leur programme (de 100 à 300 milliards d'euros !) imposera nécessairement une augmentation fiscale d'une manière ou d'une autre (assumée à l'extrême gauche, tue à l'extrême droite).

    Le Premier Ministre Gabriel Attal a donc tenu une conférence de presse le jeudi 20 juin 2024 pour présenter le programme de la majorité présidentielle (on peut le lire ici ou revoir la vidéo au bas de cet article).

    Ce programme est sans doute le plus crédible car il est un programme de gouvernement... du gouvernement actuel. Il se nourrit par le sérieux budgétaire (trajectoire de 3% du PIB de déficit en 2027 qu'aucun autre programme ne propose), du refus d'augmenter la pression fiscale déjà énorme, mais au-delà des mesures économiques, par les seuls candidats qui rompent avec le choc de deux extrémismes, de deux populismes, de droite, édulcoré, bien cravaté, du RN, et de gauche, beaucoup moins courtois, plus haineux presque, de FI et de la nouvelle farce populaire. Du reste, pour les programmes de ces deux partis ou coalitions, on peut se rassurer sur le fait qu'ils sont tellement démagogiques et irréalistes qu'ils ne seront pas appliqués et ce seront les électeurs qui ont (une fois encore) cru au père Noël qui en seront pour leurs frais.

    Le programme commence comme le spot de la campagne officielle : avec l'unique image de Gabriel Attal. Pas d'Emmanuel Macron, comme écrit au début. Le programme s'ordonne autour du mot Ensemble, nom de la coalition de la majorité présidentielle qui regroupe les mêmes alliés qu'aux élections européennes, Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, et aussi l'UDI qui, pourtant, ne s'était à l'origine engagé auprès de la Macronie que sur la question européenne. Avec la confusion provoquée par l'alliance assumée du président de LR Éric Ciotti avec le RN (qui n'en rêvait pas tant), les centristes de l'UDI n'avaient plus d'autre choix, face aux deux grossiers populismes, bardellesque et mélenchonesque, que de continuer à faire alliance avec ceux qui représentent le mieux leurs idées.

    Le programme d'Ensemble est composé de neuf parties.



    1. Ensemble pour protéger votre pouvoir d'achat

    La formulation est maladroite car arrogante. "Protéger NOTRE pouvoir d'achat" aurait été plus adapté. Là, c'est le lointain de l'élite qui voudrait s'adresser à la France d'en-bas. Le "nous" aurait fait sens avec "Ensemble". Mais qu'importe la formulation, on a bien compris qu'avec la brièveté de la campagne, un programme ne peut pas se maturer, se peaufiner.

    Quelles sont les mesures ? Avec la perpétuelle question posée à tous les sortants : pourquoi ne l'avez-vous pas fait auparavant, quand vous aviez le pouvoir ? L'introduction du programme y répond : à cause des multiples crises, dont la crise du covid-19 qui n'a pas empêché, malgré tout, de poursuivre la baisse du chômage. Et c'est une éclatante réussite des gouvernements depuis 2017 alors que depuis 1981, la France se mourait dans un chômage de masse. On l'oublie beaucoup trop mais c'est Emmanuel Macron qui a libéré l'économie française et permis durablement la réindustrialisation, l'économie française est enviée par les Allemands, la France est le premier pays européen pour son attractivité auprès des investisseurs... L'enjeu, il est d'abord là : faudrait-il que tout ce travail fût inutile pour qu'il soit stupidement cassé par des démagogues extrémistes, à droite ou à gauche, assoiffés de pouvoir, qui ont montré leur incompétence totale, soit par inexpérience soit par des résultats très décevants (quinquennat de François Hollande pour la gauche) ? Le "stupidement" ne reprend bien sûr pas la volonté des électeurs qui, pour tout démocrate, est sacrée, il peut reprendre la décision un peu précipitée de la dissolution, et la surenchère à la démagogie des deux blocs extrémistes (RN et NFP).

     
     


    En outre, Gabriel Attal a rappelé dans sa conférence de presse : « Depuis 2017, nous, les impôts, nous les baissons. Nous avons supprimé la taxe d'habitation. Nous avons supprimé la redevance télé. Nous avons baissé l'impôt sur le revenu sur les tranches les plus basses, c'est-à-dire sur les classes moyennes. Depuis 2017, nous avons aussi revalorisé les salaires des femmes et des hommes de nos services publics : nos enseignants, nos soignants, nos policiers, nos gendarmes. ». Les électeurs doivent-ils être toujours ingrats ? Ce sera une question peut-être dans les années à venir.

    Alors, les mesures ? Le gouvernement encouragera les augmentations de salaire pour les salaires en dessous de 2 500 euros nets. Dès l'hiver, la facture d'électricité des ménages baissera de 15% (soir 200 euros sur une année) : c'est le résultat de la réforme du marché européen de l'électricité négociée par la France et pas encore mise en œuvre. La prime d'activité, qui a été versée à 6 millions de bénéficiaires en 2023, sera augmentée jusqu'à 10 000 euros, sans charge ni impôt. Les pensions de retraite de 17 millions de personnes seront revalorisées pour suivre l'inflation (mais pas indexées). Dès cet été, des achats groupés de fournitures scolaires permettra de baisser de 15% le prix de la rentrée scolaire dans les familles.


    2. Ensemble pour l'accès à la santé

    Grâce à la suppression du numerus clausus, le nombre de médecins formés va doubler, 16 000 en 2027 contre 8 000 en 2017. Chaque Français aura un médecin de garde à moins de 30 minutes de son domicile. En permettant aux sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, opticiens et orthophonistes de réaliser une vingtaine d'actes médicaux, on libérera 20 millions de rendez-vous médicaux supplémentaires par an. Pour les 3 millions de Français sans mutuelle, une offre de mutuelle publique sera créée à 1 euro par jour. Les fauteuils roulants seront remboursés intégralement dès la fin de l'année. Une facture informative sera envoyée à partir de 2025 après chaque passage à l'hôpital ou en médecine de ville afin de connaître le coût réel des soins et de détecter d'éventuelles fraudes dont l'assuré social n'aurait pas eu connaissance.


    3. Ensemble pour l'accès au logement

    La garantie de loyers sera étendue pour faciliter la location tout en rassurant les propriétaires. Une taxe sur les rachats d'actions financera le fonds de rénovation énergétique des logements des classes moyennes et populaires, pour rénover 300 000 logements supplémentaires d'ici à 2027. Les droits de mutation pour l'achat du premier logement jusqu'à 250 000 euros seront exonérés pour faciliter l'accession à la propriété de 1 million de jeunes de classes moyennes et populaires.


    4. Ensemble pour le travail et le mérite

    Depuis 2017, 300 nouvelles usines ont été ouvertes et ont créé 150 000 emplois. D'ici à 2027, 400 usines nouvelles seront créées avec 200 000 emplois à la clef. Le plan France 2030 sera poursuivi pour favoriser la recherche et l'innovation. 17 milliards d'euros ont été mis en redressement pour fraude en 2023 et cette lutte implacable sera poursuivie contre toutes les fraudes sociales et fiscales. Aucun droit de succession ou de donation ne sera demandé jusqu'à 150 000 euros par enfant et 100 000 euros par petit-enfant. La retraite des agriculteurs sera revalorisée à hauteur de 100 euros par mois pour la moitié des futur retraités. Les TPE et PME seront de nouveau soutenues sur le plan financier et administratif.


    5. Ensemble pour les valeurs de la République

    Laïcité à l'école et dans tous les services publics, interdiction de l'abaya à l'école. Généralisation du testing pour lutter contre les discriminations à l'embauche, lutte contre le racisme, l'antisémitisme, le sexisme, l'homophobie et toutes les haines. Sanction immédiate avec comparution immédiate dans les cas les plus graves pour les jeunes délinquants en revoyant l'excuse de minorité. Depuis 2017, 12 000 personnes ont été expulsées. La délivrance d'une carte de séjour longue durée sera conditionnée à la maîtrise de la langue française et au respect des valeurs républicaines.
     

     
     



    6. Ensemble contre les inégalités de destin

    La formation des professeurs sera renforcée, l'école inclusive aussi pour les élèves en situation de handicap. D'ici à 2027, 100% des résidences universitaires auront été rénovées (elles sont déjà 90% à avoir été rénovées entre 2017 et 2024), et 35 000 nouveaux logements étudiants seront construits dont 10 000 en résidences universitaires. Le repas des étudiants boursiers sera maintenu à 1 euro et leur bourse revalorisée de 37 euros par mois. Un droit de congé de naissance durant trois mois sera mieux indemnisé que le congé parental actuel. Sera instaurée la solidarité à la source avec le versement automatique des aides sociales dès 2025.


    7. Ensemble pour la cohésion de nos territoires

    Le soutien de l'État aux collectivités locales sera poursuivi à l'investissement local pour la transition écologique avec le Fonds vert. Les dotations de fonctionnement ne baisseront pas. Plus de 300 maisons France Services seront ouvertes d'ici à 2027, l'objectif est d'avoir une maison France Services à moins de 20 minutes de chez soi (il y en a déjà 2 700).
     

     
     



    8. Ensemble pour protéger l'environnement

    Après une baisse inédite de 6% des émission de gaz à effet de serre en 2023, l'objectif sera, d'ici à 2030, de baisser de 55% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, dont 20% entre 2024 et 2027. 100 000 véhicules électriques seront proposés chaque année en leasing social. Quatorze nouveaux réacteurs nucléaires seront mis en chantier pour assurer l'indépendance énergétique de la France et la décarbonation de son économie. Le plastique jetable sera progressivement supprimé et l'économie circulaire encouragée.


    9. Ensemble pour que la France rayonne dans le monde

    Appartenance à l'OTAN, dissuasion nucléaire, la France gardera tout ce qui garantit sa souveraineté. Son budget militaire sera doublé d'ici à 2030, selon la trajectoire de la loi de programmation militaire.
     

     
     


    Bloc contre bloc contre bloc

    Dans son propos introductif, Gabriel Attal s'en est beaucoup pris au RN et au NFP : « Cette élection, c'est le choix de votre gouvernement. C'est le choix de votre Premier Ministre. C'est le choix du projet de société que vous souhaitez. Aujourd'hui, ce choix est très clair. Il n'y a que trois blocs, trois alternatives claires : l'extrême droite menée par Jordan Bardella, la Nupes menée par Jean-Luc Mélenchon, ou alors Ensemble pour la République, la majorité que je mène. (…) Le choix entre ces trois blocs se jouera dès le premier tour, dès le 30 juin. (…) Ma majorité, mes candidats sont les seuls à faire preuve de cohérence et à avoir une ligne claire dans cette campagne. (…) L'extrême droite est devenue le camp du reniement national. Depuis le début de cette campagne, ça a été un jour, une reculade. Le programme, c'est un grand effeuillage. Il ne reste à la fin qu'une feuille blanche, et en plus, ils vous demandent de signer en bas. Quant à Jordan Bardella, il a affirmé qu'il n'était pas prêt à gouverner, en tout cas, qu'il n'était prêt à gouverner que si la situation était facile (…). Quand on fuit les difficultés, on n'est pas prêt à gouverner. Le Rassemblement national, c'est l'impréparation, c'est le brouillon et le brouillard. L'extrême droite, c'est faire un saut dans le vide pour les Français. De l'autre, la Nupes, unie derrière la France insoumise, est le camp de la compromission et de la dissimulation. Compromission avec l'extrême gauche et ses outrances, avec lesquelles une partie de la gauche avait pourtant juré, la main sur le cœur, ces dernières semaines, de couper. Compromission sur les valeurs, en s'alliant sur un projet irréaliste et dévastateur pour notre économie. Dissimulation sur le programme dont chacun conteste le chiffrage et dissimulation en maintenant un écran de fumée sur l'identité du locataire de Matignon en cas de victoire de la Nupes. Ils semblent ne pas s'entendre sur un nom, en tout cas, faire mine de ne pas s'entendre sur un nom, et pourtant, le résultat est couru d'avance : ils l'ont dit eux-mêmes, le plus grand groupe de la Nupes choisira le Premier Ministre. Le groupe qui a le plus de candidats et le plus sortants, c'est la France insoumise. C'est elle qui a d'ores et déjà imposé son programme aux autres partis de gauche,et donc, en cas de victoire de la Nupes, le Premier Ministre, ce serait nécessairement Jean-Luc Mélenchon. ».

    Choix par adhésion aux mesures proposées, choix par défaut en opposition aux deux blocs extrémistes et populistes qui jouent sur les peurs, la colère et la démagogie, le choix du 30 juin 2024 sera crucial pour la France car il dira si la France continue à prétendre au meilleur ou y renonce pour se fourvoyer dans une impasse électorale, dans une instabilité économique, financière et politique. Emmanuel Macron annonçait le 18 juin 2024 qu'il avait confiance en l'intelligence des Français. Gabriel Attal n'a pas cité le Président de la République et s'est autoproclamé chef de la campagne en insistant, avec l'emploi de la première personne, à son autorité : "ma" majorité, "mes" candidats, "mon" programme. Et son programme se caractérise d'abord par son sérieux, son réalisme et surtout sa cohérence. En ce sens, il est unique car il est bien le seul à les conforter.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Gabriel Attal.
    Éric Ciotti.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240620-gabriel-attal.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/21/article-sr-20240620-gabriel-attal.html




     

  • Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?

    « Parce que nous ne nous résoudrons jamais à nous faire imposer par d'autres nos valeurs, nos technologies, nos imaginaires, parce qu'il n'y aura pas de France forte sans Europe puissante, nous poursuivrons sans relâche notre combat en faveur de l'indépendance de l'Europe. » (Valérie Hayer, le 6 mai 2024).



     

     
     


    Dans cette fin de campagne des élections européennes, qui a à peine vraiment commencé, les considérations de politique politicienne ont largement dominé le débat public, et c'est dommage parce que ces dixièmes élections européennes ont une importance cruciale pour l'avenir de l'Europe mais aussi de la France. Parmi les listes susceptibles d'obtenir des élus (c'est-à-dire, qui sont raisonnablement capables d'avoir plus de 5% des voix), seulement deux ont fait une campagne sur des thèmes vraiment européens, la liste de Raphaël Glucksmann et la liste de Valérie Hayer.

    Le problème de la liste de Raphaël Glucksmann, téléguidée par le parti socialiste, c'est qu'il y a une incohérence entre ce qu'il dit, ce qu'il vote au sein de son groupe, le groupe socialiste, et son souhait de garder la gauche encore unifiée au sein de la Nupes pour 2027
    (le vote commun de la motion de censure ce lundi 3 juin 2024 en a donné une nouvelle preuve). Seule la liste de la majorité présidentielle soutenue donc par Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, mais aussi au-delà par l'UDI (qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle) fait une campagne européenne de manière sincère, cohérente et surtout claire. Mais quel est donc le programme de la liste Hayer, celui des pro-Européens déterminés et sincères ?

    Ce programme a été présenté au cours d'une conférence de presse le 6 mai 2024 à la veille d'un des trois grands meetings nationaux de la liste (à la Mutualité), qu'on peut réécouter en fin d'article. Il est sincère parce que ce sont des promoteurs de la construction de l'Europe qui le proposent, des promoteurs qui n'ont pas peur de le dire, qui n'ont pas peur de le faire. Il est cohérent parce qu'il est le résultat aussi d'un bilan qui a montré que tous les votes au Parlement Européen étaient déjà en phase avec ce programme. Enfin, il est déterminé parce qu'il souhaite une Europe puissante dans une France puissante, la seule voie pour permettre à la France de garder sa grandeur politique alors qu'elle n'est plus qu'une puissance moyenne depuis la fin de la guerre.

    Dans cette détermination, il y a l'influence de la France en Europe. Et quelle est-elle ? Trois grands partis européens font et défont les majorités au sein du Parlement Européen : le PPE (Parti populaire européen) qui est le centre droit démocrate chrétien, auquel adhère LR et Les Centristes, S&D (socialistes et démocrates) qui rassemble les sociaux-démocrates, enfin, le troisième groupe est le groupe central Renew (ou Renaissance) qui est composé de ceux qu'on appelait dans la politique européenne les libéraux démocrates, qui sont en France les centristes, auquel se sont joints les élus de la liste LREM de Nathalie Loiseau en 2019.

    Entre 2019 et 2024, les députés européens LR ont pris des décisions minoritaires au sein de leur groupe du PPE, au point de ne même pas soutenir leur candidate officielle Ursula von der Leyen, autant dire que les élus LR n'ont aucun poids ni au sein du PPE (dominé par les Allemands), ni au sein du Parlement Européen en général. Les députés européens issus de la liste socialiste de Raphaël Glucksmann se retrouvent dans la même situation, minoritaires au sein du groupe social-démocrate et sans influence notable (les députés européens socialistes votent contre les projets votés par le reste de leur groupe S&D !). En revanche, c'est une Française, l'actuelle tête de liste, Valérie Hayer, qui préside le groupe Renew et qui non seulement a une influence déterminante au sein de ce groupe, bien sûr (puisqu'elle le préside), mais aussi au sein des décisions prises par le Parlement Européen puisque les majorités se retrouvent toujours avec le groupe Renew. L'influence de la France est donc passée par ceux que représente aujourd'hui la liste Hayer, et eux seuls.

    Et son programme, qui est naturellement peu éloigné des vues du Président Emmanuel Macron, repose sur trois combats essentiels. J'en indique la philosophie générale et je n'énumère pas toutes les mesures proposées dans le détail (il y en a quarante-huit) qu'on peut lire dans le document téléchargeable.


     

     
     


    I. Faire de l'Europe une puissance forte, sûre et indépendante

    Défense, énergie, sécurité... trois domaines qui ont manqué de cohésion au sein de l'Europe depuis sa naissance et qui nécessitent d'en faire plus. La tentative d'invasion de l'Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine a fait l'effet d'une douche froide chez les Européens, douche froide renforcée par la perspective d'un désengagement de plus en plus probable des États-Unis dans la défense du territoire européen. Les Européens sont maintenant mûrs pour comprendre qu'ils ne peuvent plus déléguer à d'autres leur défense et qu'ils doivent assumer eux-mêmes leur sécurité et la protection de leurs frontières. Emmanuel Macron a su prendre la mesure de l'enjeu et sensibiliser ainsi ses homologues au fil des rencontres européennes.

    La première des mesures, c'est d'investir de nouveau massivement dans l'industrie de défense, avec l'objectif de 3% du PIB pour chaque pays d'ici à 2030. Faire émerger une force de réaction rapide européenne pour les missions d'urgence, l'évacuation des populations et la sécurisation des routes maritimes.


    Sur le plan énergétique, le projet est de tripler la production de l'énergie nucléaire d'ici à 2050, au sein des pays européens qui le souhaitent à l'instar de la France. Sur le plan de la sécurité, mutualiser le renseignement au niveau européen pour lutter efficacement contre le terrorisme.

     

     
     


    II. Faire de l'Europe une puissance écologique, économique et sociale

    L'Europe est la deuxième puissance économique du monde et c'est important de le rappeler. Mais elle ne le restera pas si on ne fait rien pour cela. L'union fait toujours la force. Son problème a été les délocalisations dans les pays à plus faibles coûts du travail. L'enjeu, c'est donc de redevenir un continent de production pour réduire le chômage et gagner en valeur ajoutée. Mais aussi de refuser le dumping social en adoptant un minimum de justice sociale dans les pays qui n'en ont pas.

    L'idée est de ne pas se laisser mener par d'autres puissances économiques (États-Unis, Chine, etc.) : « Il fait se faire respecter : nos normes et nos principes ne sont pas négociables. ». Parce qu'au-delà du défi économique et social, il y a le défi écologique et les deux peuvent se faire en même temps dans une transition industrielle qui se voudra verte et numérique.

    L'essentiel est donc dans l'investissement massif des activités de transition. La liste Hayer propose la mobilisation de 1 000 milliards d'euros d'ici à 2030 pour l'énergie, les transports, le numérique, la santé, l'espace, la recherche, après le plan de 800 milliards d'euros décidés en juillet 2020 sur demande (et insistance) françaises. Son financement se fera notamment par une épargne spécifiquement européenne avec la création d'un « livret d'épargne européen pour orienter l'épargne réglementée vers l'investissement et la production en Europe ».

     

     
     


    III. Défendre le modèle européen et nos valeurs

    C'est un aspect plus philosophique et moral que matériel, économique, social. Aujourd'hui, en Ukraine, dans le Proche-Orient, voire aux États-Unis, dans de nombreuses régions du monde, nos valeurs sont remises en cause, et même de l'intérieur de l'Europe : valeurs de démocratie, d'État de droit, de liberté, d'égalité, de fraternité et aussi, et dans cette époque troublée, c'est très important, de laïcité.

    La liste Hayer propose d'inscrire le droit à l'IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux, qui constitue une sorte de conditions nécessaires à remplir pour chaque État membre (notamment pour bénéficier de fonds européens). Ce n'est pas un hasard si le fils aîné de Simone Veil, ancienne Présidente du Parlement Européen, se retrouve en fin de liste, son engagement est emblématique. Il s'agit aussi de proposer une majorité numérique à l'âge de 15 ans avec un contrôle parental par défaut sur les mobiles et une vérification systématique sur Internet pour les sites interdits aux mineurs.

    Il s'agit aussi de proposer des mesures pratiques et concrètes pour limiter voire empêcher efficacement l'immigration illégale à l'intérieur des frontières de l'Union Européenne en donnant des moyens à Frontex (30 000 garde-côtes européens). Créer un Pass culture européen, un Pass Rail européen illimité pour les jeunes (100 000 jeunes par an), renforcer l'harmonisation universitaire européenne, renforcer et généraliser le programme Erasmus, etc.

    Sur le plan institutionnel, et cette liste se distingue des autres sur la construction européenne, elle propose d'instaurer la principe de listes transnationales à partir des prochaines élections européennes de 2029, ainsi que de renforcer les institutions sur la majorité qualifiée dans des domaines essentiels comme la fiscalité, l'État de droit, afin de ne pas laisser l'Europe impuissante face aux défis qui viennent (par exemple, pour empêcher qu'un État puisse être un "paradis fiscal").



    Et dimanche prochain ?

    Comme dans toute élections, il y a les considérations à la petite semaine, celles en moyen terme et celles au long terme. Le moyen terme, c'est bien sûr l'échéance (cruciale) de l'élection présidentielle de 2027 et le Rassemblement national compte sur un triomphe en 2024 pour gagner en 2027. Il y a la colère de certains qui pensent que voter contre serait une sorte d'exutoire, et avec trente-huit listes, dont une seule issue de la majorité présidentielle, l'électeur en colère a le choix pour l'exprimer mais est-ce vraiment constructif, utile et surtout dans son intérêt ? Et puis, il y a le long terme, le regard à l'histoire, ce que penseront nos enfants de notre vote de 2024 dans dix, vingt, trente ans, ce qu'ils penseront de notre capacité à anticiper alors l'Europe est en danger, menacée même territorialement dans ses frontières orientales mais plus largement dans ses valeurs.

    Valérie Hayer n'a pas une âme de grand chef, elle n'a pas le charisme d'un grand animal politique, d'un vieux routard de la politique, elle n'a pas non plus passé son temps à faire du training de communication pour répondre de manière lisse et consensuelle à tous les médias. Elle l'a montré depuis cinq ans, elle a agi, elle a travaillé, elle est devenue l'une des rares experts, au sein du Parlement Européen, du budget communautaire, négociant de manière ferme, dans les nuits blanches, les intérêts de la France et des Français, elle, fille d'agriculteurs, connaît sur le bout des doigts tous les ressorts de la politique agricole commune (PAC) dont ont bénéficié largement les agriculteurs français depuis près de soixante ans. Elle est dans une logique de résultats et de construction : améliorer l'espace européen pour le bien et l'intérêt des Français.



    1. Meeting du 9 mars 2024 à Lille






    2. Conférence de presse du 6 mai 2024 à Paris (présentation du programme)






    3. Meeting du 7 mai 2024 à la Mutualité de Paris





    4. Meeting du 13 mai 2024 à Lyon






    5. Meeting du 28 mai 2024 à Boulogne-Billancourt






    6. Meeting du 1er juin 2024 aux Docks de Paris, à Aubervilliers






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240602-programme-renaissance.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/quel-est-le-programme-europeen-de-254541

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/14/article-sr-20240602-programme-renaissance.html